Épisode 62 : Ballade à Fakarava
Le programme du patron était bouclé depuis la veille : Ballade en vélo le long du Motu jusqu’au bout de la route carrossable ! A son avis, Il y aurait bien des chemins pour continuer, puisque c’est le seul Motu de tout l’archipel qui fasse plus de 30 kms de long !
De mon coté, repos/détente pour la journée. Le mouillage est super abrité. J’ai une jolie petite église blanche et bleu juste en face et une petite douzaine de voisins pour discuter le bout de gras… Y’en a qui sont plus à plaindre, reconnaissez !
A commencer par les pauvres diables qui se sont massés en catastrophe dans Kaboul assiégé pour fuir les fous furieux et vont se retrouver étouffés dans la nasse, exactement comme à Saïgon il y a quarante six ans ! Copie conforme ! Des grappes de désespérés qui s’accrochent aux patins des derniers hélicoptères qui décollent ! En espérant quoi ? Lâcher prise sous les coups de crosse à 10 mètres du sol plutôt que de se retrouver dans les geôles des tarés d’Allah ? On écoute les nouvelles ensemble avec le patron, c’est à neuf heures de soir sur Tahiti 1ère. J’étais par encore né ce jour terrible de 1975, mais le patron me raconte… Il y est allé lui à Saïgon, deux fois même quelques temps avant l’hallali et déjà la population de Saïgon s’était gonflé de dizaine de milliers de pauvres diables dont le dernier espoir était de se terrer dans cette poche jusqu’à l’inévitable. Car deux ans avant, ce jour était prévu dans ses moindres détails, il manquait juste la date finale. Ceux qu’avaient encore du fric se jetaient corps et âmes dans les jeux les plus sordides et les plus dingues pour vivre à fond ce que chacun savait être ses dernières heures… Roulette russe dans les clandés, prostitution à donf dans les boxons, fumeries d’opium bondées, enfants à vendre, à violer avant de les jeter dans les ruisseaux déjà plein d’ordures et de sang. Les gens ne voulaient que de l’or ou des dollars – au moins assez pour se tirer de là - le reste ne valait plus rien depuis longtemps ! Ceux qui ont osé regarder l’ont bien vu cet horrible spectacle ! De plein fouet ! La débandade amerloque après tout ce sang et tout ce napalm déversés dans ce cirque grand guignol dont on connaissait l’issue depuis des lustres ! Plus jamais ça quˋon a dit à lˋépoque !!!
Ben non ! Rebelote !!! Copie conforme. La même imbécilité crasse et irresponsable à raconter aux enfants en espérant qu’un jour lointain ça finira par porter… Sans compter qu’entre temps il y a eu la honte de l’Irak, du mensonge éhonté et parfaitement assumé au monde entier !!!
Le plus dingue de tout et qui semble ne faire tiquer personne, c’est le tombereau de lâcheté qui traîne derrière tout ça !!! Je parle plus de ricains là ! Eux sont juste cons et indécrottables, ils vont maintenant pouvoir se rabattre sur le moyen Orient ! Concentrer leur efforts pour que surtout aucun compromis ne soit trouvé, afin que les israéliens puissent continuer avec leur soutien tacite leurs exactions insupportables sans le moindre contrôle de l’ONU ni de qui que ce soit d’autre, comme ils le font depuis quarante ans avec l’hypocrisie la plus degueulasse ! Saint Barack Obama compris !
Non, les ricains ont fait l’unanimité depuis longtemps aux yeux du monde, je parle de tous les autres, européens, australiens, français entre autres, bref tous ceux qui étaient là-bas et pourraient s’unir pour réagir… dire NON ! C’est vraiment pas possible, vraiment pas humain d’abandonner tous ces gens à leur triste sort ! Et à dieu va !!! Ben non !!! les ricains se tirent la queue basse , et dans la foulée tout le monde se tire la queue pareillement basse et sans moufter !!!
Ça n’inquiète strictement personne ! la croix rouge panse les blessés, le PAM envoie de la bouffe, les ong bricolent au mieux - pour les rares en tous cas qui ont eu le culot de rester jusque là - et nos gouvernements se contentent de bramer crânement qu’ils ne vont pas reconnaitre le gouvernement des dingues sans chercher le moins du monde une véritable réponse à l’horreur… ***(note)
« les ricains se tirent… Il est grand temps de se tirer aussi » C’est le mot d'ordre et la morale de l’histoire par la même occasion !!!
Les seuls qui ont des circonstances atténuantes dans l’histoire, ce sont nos voisins british ! Quand on est valet, Madame, on reste valet, et on la ramène pas devant les invités !
Bref, maintenant que vous êtes au jus de l’ambiance à bord, revenons à plus plaisant !
Le temps donc, que le patron fasse griller son pain, prépare la pitance de Mandarine qui bouffe comme quatre, qu’il aille à terre se brancher sur le wifi du club de plongée pour cueillir nos messages et qu’il envoie ceux qu’il a préparés, qu’il ramène l’ordi à bord, qu’il prépare son vélo et le reste, il est déjà plus de neuf heures. Mais enfin, ça y est. ils sont parés, Mandarine et lui !
C’est là, en montant dans l’annexe, Mandarine le nez au vent et le patron son sac sur le dos qu’on reconnait les étraves noires du cata de Francesco un peu plus loin.
Francesco et Florence, on les a rencontrés en Mars, sur le chantier d’Apataki. Ils pilotent une petite sœur, un Venezia, même chantier, même taille, même aménagement, mais une dizaine d’années de moins. Plutôt sympa la sœurette et pas bégueule pour deux ronds.
En plus, ses étraves noires, on les a déjà aperçues il y a quelques jours à Rangiroa ! Cap'tain Philip m’a dit : je vais les saluer demain matin avant d’aller au village… Mais le lendemain matin ils étaient déjà partis !
Cette fois, pas question de les louper ! Mon capitaine y va sur le champ. Evidemment ils discutent un bon moment… Après quoi mon Capitaine repasse à bord me dire que le programme d’aujourd’hui est maintenu (balade à vélo pour lui et Mandarine / détente, farniente pour moi ), mais que celui de demain a changé ! Au lieu de ressortir le matin par la passe Nord qu’est quand même un sacré cirque et de re-rentrer dans le lagon par la passe sud le soir. On va suivre Francesco dans le chenal intérieur. On pourra le faire sous voile puisque le vent de NNE qu’on attend demain le permet et que Francesco connaît déjà très bien le chenal. Tout en bas dans l’abri que procure la pointe sud-est de l’atoll , on retrouvera Adrien et Aline qui sont eux sur un Bahia, une petite sœur aussi , mais plus lourdingue (pour une clientèle plus aisée, vous dirait un bon vendeur Fountaine –Pajot pour faire passer la pilule des 15 tonnes !) et font tourner une école de Kite-surf dans ce coin sauvage et venteux mais bien abrité. Eux aussi étaient à Apataki en mars, si vous vous rappelez ? Le marseillais de Château Gombeeerreu et la très réservée jeune fille de Boston’ qui détonnent à s’en fendre la poire ! Francesco et Florence n’ont pas le même accent non plus, mais c’est moins tragique, puisque Francesco est sicilien et Florence landaise.
Bon, les voilà partis ! Enfin peinard !
Bon d’un autre côté, notre traversée depuis Rangiroa l’a été aussi, peinarde, je veux dire. Un gentil travers quasiment tout du long ! C’est au départ dans la passe de Tiputa, renommée pour ses colères il est vrai, que ça a sérieusement chahuté ! Pas le temps de s’occuper du mousse… et du coup plus de mousse !!! Elle a dû avoir la trouille de sa courte vie, Mandarine ! On l’a plus vue pendant six heures. Une fois sorti de la passe en furie, le patron a cherché un peu partout, appelé son mousse à la raison… NIB ! Bien obligé d’admettre la triste réalité… Elle avait du monter sur le pont au beau milieu de mes cabrioles et se foutre à la baille ! Un peu la faute du patron quand même… on avait trois heures de retard sur l’étale de haute mer, faute au moteur babord qu’avait pas daigné démarrer à l’heure dite ! Le temps de tout nettoyer là-dessous, de finir par se décider à carrément changer le démarreur, avant de s’apercevoir que c’était toujours pas ça et de trouver une solution de rechange, on était déjà à mi-marée ! Le vieux aurait dû reporter le départ de quatre heures, jusqu’à l’étale de basse mer… Mais il voulait pas louper sa fenêtre, tant elles sont rares dans le coin. J’étais en partie d’accord, mais j’avais pas pensé à Mandarine dont c’était la première sortie en haute mer…
C’est six heures plus tard qu’un miaulement assourdi nous a alertés… Morte de trouille elle s’était glissé sous la table à cartes et n’avait plus bougé . Même moi, je l’avais pas vu se planquer !
La pire c’est que ça a remis ça dans la passe d’entrée de Fakarava, en plus méchant encore. Au Beau milieu des montagnes russes sur les fonds de douze mètres on filait plus qu’un seul nœud avec les deux moteurs à fond ! Soit plus de sept nœuds de courant sortant ! Le patron m’a rapproché en douceur –si on peut dire vu les bonds que je faisais - de la bouée latérale verte jusqu’à des fonds de 5 à 6 mètres, et là on est passé…
En cours de route, Mandarine avait pris ses marques.
Trouvé, elle aussi, ses quartiers dans le cockpit où le patron passe ses jours comme ses nuits quand on est à la mer.
Pris son quart à l’heure
Réglé sa tournée d’inspection
Bon ! Nous voilà donc cette fois fin prêts pour la ballade. L’annexe est amarrée dans le petit port de Rotoava, le pneu du vélo regonflés… C’est parti !
Bains répétés dans le lagon... Car à force de pédaler il finit par faire chaud ! Les cases des pêcheurs sont disséminés le long du lagon , quant au bar des pécheurs, il n'ouvre qu'à la nuit tombante... Bière à volonté !
Du coup le couchant est dangereusement sur le déclin quand ils arrivent au village, mais juste à l'heure pour la messe du dimanche soir ! Avant un passage bien mérité à la Gargote du port / Poisson cru au lait de coco évidemment ! Et bière fraiche... Ils se sont quand même fait 32 bornes à la pédale ! Hé !