Épisode 8 : dernière escale technique avant l'immense pacifique
Bon, maintenant qu'on est revenu en arrière, faudrait que j'vous explique le pourquoi du comment de cette longue escale à Maurice, plus exactement sur l'aire de carénage du chantier « Taylor & Smith » à Port Louis... Mais c’est une longue histoire et voilà l’patron qu’amarre déjà l’annexe sur le bras du bossoir. Enfin « déjà », façon de parler, vu qu’il fait nuit de nouveau. Cette fois encore, je l’ai pas entendu arriver. Pourtant son petit moteur marche aujourd’hui. Mais ce petit moteur là, il fait moins de bruit que la pagaie d’un apache ! D’ailleurs, je vois pas trop pourquoi il la frappe là, cette amarre, le patron ? Je manque pas de taquets à l’arrière aux dernières nouvelles... Mais non ! il la frappe jamais ailleurs, le vieux ! Bon, je sais bien qu’il va pas péter sans prévenir le bras du bossoir... Mais c’est pas prévu pour ça ! C’est pas « élégant », je dirais, quand il y a un invité qui monte à bord. J’ai quand même mon mot à dire là-dessus, non ?
Il ouvre son petit sac sur la table du cockpit pour me montrer le charriot. Juste nickel ! Reste à le remonter... Et ça c’est pas forcement pour demain... Je le connais, l’animal ! Il va faire des crobars, réfléchir dessus, refaire d’autres crobars... Y’a le coup des petites billes... On en a surement paumé la moitié ! Le rail qu’a morflé, lui aussi... Bon, j’suis pas vraiment inquiet de ce côté-là... Après l’hydro ( c’est l’école des officiers de la mar-mar, je précise pour ceux qui débarquent tout juste de leur cambrousse) Captain Philip, il est retourné à l’école des mécaniciens apprendre ce genre de truc... Faire des crobars et tout, je veux dire... Le jour où c’est la tablette (sur laquelle on reçoit quand même les cartes météo) ou l’ordi (qui permet de les scruter plus à l’aise) qui battront de l’aile, là, je m’inquiéterai davantage, je dois dire... Mais je me répète... C’est vrai aussi, qu’on n’est pas pressés ! C’est même tout le contraire puisque, comme je vous l’ai expliqué, on est scotchés là tant que le délire du virus s’est pas apaisé d’une manière ou d’une autre...
Tout en préparant son frichti, il m’annonce qu’il repart en campagne le lendemain, le pitaine. Au cours de ses nombreux méandres du jour dans la zone commerciale, il a repéré deux ou trois enseignes où il pourrait bien trouver un réchaud de camping qui tienne la route, comme il dit. Y’aurait là, largement de quoi m’étonner si je n’étais déjà au courant... C’est hier qu’il m’en a parlé...
Donc ici, en Australie, point de Butane et pas davantage de Propane... Ils carburent au G.P.L (gaz de pétrole liquéfié, je précise, toujours pour les mêmes !). Dans les stations services, ils vendent bien des bouteilles de gaz, les mêmes que partout, dans les même présentoirs en ferraille aussi rouillée que partout... Sauf qu’elles sont remplies avec du G.P.L., les leurs !
Bon , le G.P.L. on connait... Ailleurs, on fait tourner les moteurs à explosion avec... plus économique que l’essence parait-il. Peut-être... N’empêche, c’est pas fait pour rassurer le Capitaine, cette faculté à bien exploser dans les moteurs du même nom, le G.P.L. ! Et je dois bien reconnaitre que je suis pas loin de partager cette crainte ancestrale des marins (et des bateaux forcément) de voir une méchante fuite te foutre un feu géant en un clin d’œil... voyez où j’veux en venir ? Ça nous fout juste les j’tons cette histoire de G.P.L. pour ma Vénus... !
Pourtant du butane y’en a ! C’est justement ce qu’il a découvert hier, le patron, tout en faisant du porte à porte avec mon charriot dans son sac...Y’en a sous la forme des petites recharges « camping gaz » qui sont importées jusqu’ici et vendues dans les magasins de camping... Bien sûr, faut trouver le réchaud adapté et dans nos prix, si possible... On peut pas faire tourner Vénus avec des mini- recharges « camping gaz » !!!
Du coup, le voilà reparti en vélo, le vieux ! Hier, il a même trouvé le temps d’acheter une petite pompe, de mettre un pneu neuf à l’avant et de faire changer les quelques rayons qui faisaient trop la gueule. Bref, il y prend goût à la petite reine, le pitaine ! « Il fait du sport »... Géraldine sera contente d’apprendre la nouvelle ! Elle qui le serine tout le temps pour qu’il marche un peu plus et qui s’entend chaque fois répondre: « pour aller où ? »... Bon, faut voir aussi à quelle vitesse il pédale, mon capitaine .... 7/8 nœuds à tout péter... Risque pas d’se r’trouver en nage ! Remarque que c’est déjà un poil plus vite que Charles, que j’ai vu à l’œuvre sur son vieux clou à Sainte-Marie... Dix bonnes minutes pour remonter la digue de l’îlot Madame qui fait pas un km ! Un sacré phénomène, le Charles ! On va forcément reparler de lui, vu qu’il y a une foule de trucs où il assure beaucoup mieux qu’en vélo...
En tous cas, ça nous laisse un moment pour revenir à Maurice... Donc, je reviens rapidement sur mon équipage que j’ai déjà décrit... Géraldine et Alain le cuistot, qui nous rejoignent là-bas. Captain Philip, Charles, Franck et Giovanni, qui m’amènent de Sainte-Marie.
La particularité de cette traversée, c’est qu’elle s’est faite intégralement au moteur... Parce qu’il n’y a pas de vent bien sûr... Captain Philip a même attendu plusieurs semaines la fenêtre météo ad hoc, à savoir trois jours de quasi calme sur le bassin des Mascareignes, un truc plutôt rare pendant la période d’alizées... Mais surtout parce que j’avais plus de voiles... Autant dire que j’étais nu et méconnaissable et que je faisais pas le fier... J’avais démâté deux mois plus tôt, en venant de Nosy-Be.