" Vendredi Saint "
ORATORIO EN QUATRE MOUVEMENTS
Couverture : Design Maryline Foucaut
Auteurs : Pascale Yvetot & Cap'tain Philip
Sortie : en mai 2022 aux éditions Traboule distribuées par Bod (184 pages)
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Cap'tain Philip était encore second sur un pinardier quand il jouait avec la fille de son meilleur ami dans un jardinet d'un pavillon de banlieue pendant ses congés. Ce n'était alors qu'une petite peste de 8 ou 9 ans, prénommée Esther...
Et voilà que, les années passant, la petite peste devient flic... puis Commissaire divisionnaire... puis spécialiste des affaires classées...
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CARNET :
Andante …………….…….…… Page 11
Scherzo…………………………. Page 119
Glissando/mezzo voce ........ Page 157
Moderato cantabile .......... … Page 175
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Synopsis « VENDREDI SAINT » :
Esther est née un 4 avril comme Jeff, mais douze ans plus tard. La vie va les rapprocher… d’une façon incongrue et extrême.
À la première page de l’histoire Jeff est chef de service de l’institut médico-légal du Quai de la Rapée. Il est à la veille de la retraire. C’est fort peu dire que son adolescence a été compliquée.
Après un doctorat en anthropologie du droit, Esther devient commissaire de police à 28 ans. Elle en a 38 quand on confie à son équipe le dossier du « violeur du Vendredi Saint ». Elle en a 49 à la première page de l’histoire.
Esther et son équipe progressent plus rapidement que leurs prédécesseurs dans ce dossier ouvert depuis 45 ans. Elle côtoie régulièrement Jeff dans le cadre professionnel.
Jeff de son côté n’a manqué aucun de ses rendez-vous du Vendredi Saint.
Un jour, par la force des choses, un grain de sable interfère dans ces mécaniques parallèles…
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LIRE LES PREMIERES PAGES :
ANDANTE
Esther était sur un vol de la Lufthansa pour Copenhague. La durée prévue du trajet n’était que d’une heure et dix minutes, mais elle avait pourtant ouvert son dossier sur la tablette pliante, devant elle. La place qui la séparait de l’allée était vide. Elle s’était calée contre le hublot.
Le corps avait été retrouvé dans un des locaux d’entretien d’un ferry pour Göteborg à son arrivée à destination le samedi matin. Fouet, sodomie, traces de scopolamine dans le sang… Aucune signature génétique cohérente. Plusieurs traces ADN de tiers avaient été relevées sur la scène de crime, mais elles pouvaient avoir été laissées là par n’importe qui et pour n’importe quoi.
Ce local technique à disposition de l’équipage n’était jamais fermé à clef et était accessible à n’importe quel passager en vadrouille sous le pont shelter du ferry. Cependant, parmi les traces d’ADN relevées dans le réduit, il y en avait bien une identique à celles qu’on avait retrouvées sur toutes les scènes de crime précédentes, un peu partout en Europe, mais toujours à la veille du week-end pascal. Pas trace de coup violent, encore moins de sang, mort par rupture des vertèbres cervicales. Bref, c’était signé et contresigné par la cible d’Esther, « l’ombre du Vendredi saint » !
Certes, le légiste danois ne situait la mort qu’entre deux et quatre heures du matin, le samedi 16 avril 2014, du coup. Mais ça, c’était habituel ; le tueur du Vendredi saint officiait dans la nuit du vendredi au samedi de chaque week-end pascal.
Esther avait reçu toutes ces données la veille à son bureau parisien et les avait déjà incorporées à l’épais dossier qu’elle ressortait chaque printemps, mais pas seulement. Car si des faits quasiment identiques revenaient vers la mi-avril chaque année, les intuitions d’Esther pouvaient tomber n’importe quand, 14 juillet et 11 novembre compris !
Le tueur n’était pas le détraqué sexuel décérébré dont les gazettes ressortaient le même portrait simpliste chaque année, quelques jours après Pâques. C’était plus probablement un schizophrène d’une intelligence redoutable, qui procédait suivant un rituel religieux avec une méticulosité frappante, tout à fait hors de portée d’un simple déséquilibré. Lui avait sans doute au contraire une sexualité banale, possiblement homosexuelle comme Esther et sa copine ; ce qui ne fait pas d’Odile et elle, des « détraquées ». L’expression l’avait encore fait rire la veille quand elle l’avait retrouvée, pour la énième fois pourtant, dans un des titres parisiens les plus vendus, où le terme apparaissait avec une régularité de pendule…
Certes, elles n’y allaient pas toujours avec le dos de la cuillère, Odile et elle, quand ça leur prenait ! Mais elles ne faisaient de tort à personne et ça ne faisait toujours pas d’elles des « détraquées » pour autant !
Sa cible non plus ne faisait probablement de tort à personne en dehors du week-end pascal. Il immolait une vierge chaque année, comme ça s’était pratiqué dans tant de civilisations avec l’accord et le soutien de la communauté entière. Ces prêtres non plus n’étaient pas nécessairement des sadiques. Ils officiaient, perpétuaient un rite dans le respect de leurs textes sacrés et le fait pour certains d’avoir à balancer une vierge aux crocodiles du fleuve ne faisait toujours pas d’eux des détraqués. Ou alors il fallait considérer leur communauté tout entière comme autant de détraqués ! Et si c’était le cas, la question restait de savoir si elle était plus ou moins détraquée que la nôtre, et pourquoi ? Des sadiques, il y en avait, bien sûr, forcément eu dans le tas, c’était inévitable. Mais presque certainement dans la très juste proportion de « détraqués » présente dans n’importe quelle société humaine… Certainement bien inférieure à celle des prêtres pédophiles, rapportée à la masse du clergé catholique d’aujourd’hui ! Et Esther s’était laissée aller à rire de nouveau, histoire de se détendre, car la descente vers Copenhague s’amorçait déjà.
Elle avait clairement établi que sa cible n’avait rien du sadique sanguinaire justement, qu’il ne cherchait d’ailleurs nullement à faire souffrir ses victimes. Il interrompait le rite dès la première trace de sang − avant même, le plus souvent − et faisait violer l’immolée par une tierce personne. Il n’y avait jamais de véritable trace de coup ni la moindre lésion interne, encore moins de traces de torture. Juste ces vertèbres cervicales brisées exactement au même endroit, entre la cinquième et la sixième. Esther s’était renseignée. Cette prise de jiu-jitsu , Atama mawasai, n’était douloureuse que quand elle était simulée en combat sous forme de clef d’immobilisation. Le combattant frappait alors le tatami du plat de la main pour arrêter le combat, acceptant du même coup sa défaite. Quand il était conduit dans l’élan jusqu’à son terme, le mouvement durait le temps d’un éclair et l’anesthésie était totale et instantanée, « crash stop » du système nerveux. Même si la mort cérébrale pouvait ne survenir qu’après quelques secondes, quelques minutes au maximum.
Tout ça était inscrit sur la première page d’un petit carnet vert pomme, qu’elle consultait en fait beaucoup plus souvent que le dossier :
« Anus toujours forcé, mais aucune lésion relevée à ce niveau. Jamais. Le sexe, lui, n’est jamais effleuré/juste ces punitions rituelles, semblables chaque fois, sous forme de solides fessées, monnaie courante dans les pratiques entre adultes consentants. Toujours assenées avec un objet souple − en tous cas peu agressif − lanière ou ceinture qui change d’une fois sur l’autre et fait presque toujours partie du propre habillement de la victime. Le rite s’interrompt avant le premier sang ou immédiatement après, comme si la vigilance de l’officiant s’était laissée surprendre… »
Àla relecture de cette première page du carnet, Esther en arrivait à cette même réflexion, complètement ahurissante : tout ça avait finalement la forme d’une simple pénitence, pas si éloignée du « vous me réciterez trois ave et deux paters » dont on écopait régulièrement dans les confessionnaux les mieux tenus… Et pourtant ces pénitences presque indulgentes avaient été suivies quarante-trois fois de meurtre…
Pour la suite, il fallait passer page deux du petit carnet vert…
Esther avait présenté le concours de commissaire de police pendant son année de thèse en anthropologie du droit. La formation de commissaire durait deux ans, stages compris. De sorte qu’à vingt-huit ans, lorsqu’on lui avait assigné un poste de commissaire adjoint à Bar-le-Duc, elle était à la fois, toute jeune commissaire et docteure en droit.
Elle en avait trente-huit quand on lui avait confié cet étrange dossier, hérité du commissaire divisionnaire Daubert, qui venait de prendre sa retraite. Le passé universitaire d’Esther avait certainement joué dans le choix qu’avaient fait ses supérieurs, mais le fait que l’allemand soit sa langue maternelle aussi. La mère d’Esther était une métisse coréenne, née à Berlin-Ouest. Elle y avait passé son enfance et son adolescence, mais était venue finir ses études à Paris, où elle avait épousé des années plus tard un diamantaire, qu’elle avait pourtant connu dès les premiers temps de sa vie parisienne.
Le dossier, dont Esther avait maintenant la charge depuis presque douze ans, avait en effet de nombreuses connexions avec l’Allemagne, mais aussi l’Autriche et la Suisse.
Loin d’être un vieux dossier poussiéreux, c’était au contraire une affaire qui revenait sur le tapis chaque week-end pascal ou quelques jours plus tard, avec chaque fois de nombreux indices à la clef.
Le principal problème du Commissaire Daubert, qui était devenu celui d’Esther, après avoir été celui de Gilles Delon, inspecteur principal au commissariat du dix-septième arrondissement, n’était pas la « pauvreté » des indices recueillis sur chaque scène de crime, mais le fait que ces indices étaient chaque année les mêmes et n’avaient jamais conduit à rien.
L’inspecteur principal Gilles Delon, adjoint du commissaire du XVIIe arrondissement de Paris, avait eu à gérer la première enquête pour viol et homicide, en lieu et place du commissaire d’arrondissement « qui n’avait pas que ça à foutre ». Mais ce n’était pas Gilles Delon qui avait été dépêché sur les lieux vers dix heures du soir dans la nuit du vendredi au samedi quatre avril 1969. Pas plus d’ailleurs que l’inspecteur de garde cette nuit-là au commissariat du XVIe arrondissement, sur lequel était pourtant administrativement située la scène de crime. Ce fut l’officier de permanence du commissariat de Neuilly sur Seine qui vint rapidement isoler la zone, tout simplement parce qu’il était le plus proche, que c’était urgent et qu’il était momentanément disponible.
Il fallait bien connaître la géographie du bois de Boulogne pour comprendre que cette apparente anomalie n’en était pas une… La scène de crime était à moins de cent mètres de l’avenue de Madrid qui était, elle, à Neuilly.
Concernant l’inspecteur principal Delon, c’est l’adresse du domicile de la jeune victime, avenue de Niel, qui lui avait valu d’écoper assez rapidement du dossier.
Ces détails purement administratifs et de peu d’intérêt ne figuraient pas dans le petit carnet vert d’Esther, qui était bien obligée de se reporter à l’épais dossier quand elle avait besoin de vérifier un détail de cet ordre.
Esther avait, pour sa part, fêté ses quatre ans en ce matin du 4 avril 1969 ! Elle venait d’en avoir quarante-neuf. On était le 20 avril 2014.
Elle avait acquis plusieurs certitudes au cours de ces onze années et elle en aurait une nouvelle en revenant de Copenhague. Une hypothèse encore, qu’elle ne partagerait qu’avec son adjoint, le Commandant Mirabelle. Une hypothèse qui aurait le mérite d’en valider d’autres… Et surtout, que le calendrier du « tueur du Vendredi saint » confirmerait un jour… Par l’absurde…