
Texte de Cap'tain Philip & Pascale Yvetot/ couverture, illustrations et mise en page de Maryline Foucaut / sortie en novembre 2024 aux éditions Traboule distribuées par BoD (400 pages)
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Les auteurs de ce roman ont transposé un fait divers dans une ville qu'ils connaissent si bien que surgissent à chaque coin de rue et à chaque coin de page les traces mêlées de souvenirs éparses enfouis par le temps.
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Synopsis :
Dans une petite ville d’ordinaire plutôt paisible de la côte varoise, une rixe à la sortie d’une boîte de nuit vire au drame. Gilou, l’entraineur de l’équipe de rugby locale qui accompagnait plusieurs de ses joueurs pour la soirée se trouve impliqué dans l’enquête.
Tout en racontant comment il a lui-même vécu cette soirée, les évènements tragiques de la nuit et des jours suivants, puis les suites judiciaires de l’affaire, il relate les grappes de souvenirs que ce traumatisme fait surgir de sa mémoire jour après jour.
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LIRE LES PREMIERES PAGES :
GILOU / 8 juillet 2018
J'écris ces premiers mots depuis une terrasse de café ensoleillée. Les tables s'avancent sans vergogne jusqu'au milieu de la chaussée ; on est dans la zone piétonne d'une petite ville de la Côte d'Azur. Très exactement au croisement de l'avenue de France et de l'avenue Gambetta.
C’est la fin du printemps. Il est cinq heures de l'après-midi, mais le soleil est encore haut dans le ciel. À mon sens, c'est l'heure idéale pour descendre à la plage. La plus proche est la plage des Pesquiers, derrière l’hippodrome, dite aussi "plage Bona" en référence au premier hôtel qui s'y est adossé à la fin des années 50. C'est l'histoire d'une dizaine de minutes en voiture, ou en moto en ce qui me concerne, car cette petite ville où je me suis installé à 25 ans n'est pas à proprement parler au bord de la mer.
C'est probablement ce que j'aurais fait un autre jour, mais je suis sorti du bureau du juge d’instruction il y a moins d'une heure et j'ai ressenti le besoin de coucher sur le calepin que je viens d'acheter à la librairie voisine où travaille mon amie Pascale ce que je sais de cette histoire qui risque de faire couler pas mal d'encre.
Peut-être même autant que celle qui a commencé, il y a dix ans devant la mairie, à cinquante mètres de cette terrasse, lorsque la députée-maire a été abattue de plusieurs balles de 9 mm, alors qu'elle montait dans sa voiture...
Cette fois aussi, il y a mort d'homme, mais pas d'arme à feu ni même d'arme blanche. David a été tabassé à mort à coup de rangers à la sortie d'une boîte de nuit du centre-ville, à deux heures du matin dans la nuit de samedi. Fracas facial ; traumatisme encéphalique majeur ayant entraîné la mort, confirmera bientôt le légiste.
― C’est rapport à tes ch’veux blancs qu’y t’ont laissé sortir, mon Gilou ? Comment qu’ça passe pour les autres ? Si tu comptes raconter tout ça dans ce p’tit carnet d’écolier, gaffe à pas l’laisser traîner n’importe où !
C’est ce que venait de me conseiller Pascale en flashant le code-barres du carnet avec le pistolet de sa caisse enregis-treuse. L’histoire la concernait de très près, elle aussi, car ses deux grands fils, Victor et Etienne, faisaient partie de la bande des frères Dalband, impliquée dans la bagarre de samedi. Heureusement, ni l’un ni l’autre n’était présent ce soir-là.
Je n'étais pas le seul en garde à vue. Nous étions quatre. Nous avions été interpellés séparément au cours de la matinée de dimanche. David succombera à ses blessures quelques heures plus tard, dans la soirée.
Par contre, je suis le seul à être dehors à cette heure-ci. J'ai été inculpé de non-dénonciation de crimes et délits. Des mandats de dépôt ont été délivrés contre les trois autres, après qu'ils aient été inculpés de meurtre et violences aggra-vées par trois circonstances ― réunion, ivresse et guet-apens.
J'ai maintenant soixante-cinq ans. En privé, on m’appelle Gilou et j'étais certainement le doyen dans cette boîte de nuit samedi soir. Mais j'étais bien en compagnie des deux frères Dalband et de Thomas. Nous fêtions la victoire en national 2 de l'équipe de rugby locale, mais pas que... C'est une longue histoire.
Thomas et Stan, le cadet des Dalband, n'ont que 19 et 20 ans et sont respectivement arrière et trois quarts centre de cette équipe que j'entraîne depuis quelques années déjà. Lucas Dalband a lui vingt-trois ans et était le très brillant demi d'ouverture de l'équipe jusqu'à la saison dernière. Pressenti pour intégrer l'équipe de top 14 de la métropole voisine, il était donc sur le point de devenir professionnel et portait tous les espoirs paternels. Malheureusement, une blessure au genou lors de la finale du championnat régional le tient depuis éloigné des terrains.
J'avais entraîné Lucas plusieurs années et Thomas et Stan étaient maintenant dans l'équipe senior depuis deux saisons. Mais celui que je connaissais le mieux, c'était Pierre, leur père. Il avait quelques années de moins que moi. Pourtant on avait joué ensemble deux ou trois saisons et surtout on était devenus amis. Lui était déjà mécanicien dans ce magasin de cycles qu'il avait racheté quelques années plus tard. Moi j'étais videur dans une boîte de nuit de la Tour Fondue au bout de la presqu’île. Un soir où le patron de la boîte avait eu besoin de renfort, je lui avais conseillé Pierre. Par la suite, il avait fait appel à lui presque tous les samedis soir.
Les Dalband sont issus d'un milieu relativement modeste. Pierre, le père, tient un magasin de cycles en bas de l'avenue Gambetta. Sa femme Josiane est surveillante dans un institut privé. Le parcours scolaire des deux frères est resté modeste, lui aussi. L’aîné a commencé à travailler dans l'atelier de son père dès la sortie du collège. Le second n'est pas arrivé au bout de la formation en électromécanique qu'il avait débutée en classe de seconde au lycée technique de la ville.
L'originalité de cette famille, c'est plutôt Thomas.
Même s’il vient d’un tout autre milieu, c’est un peu le demi-frère des deux autres. Quand le père de Thomas est mort, Stan et lui étaient dans cette même classe de seconde. Thomas avait seize ans à l'époque et sa mère était une morphinomane, alcoolique au dernier degré. Thomas est venu de plus en plus souvent déjeuner chez les parents de Stan. Entre le magasin de cycles qui tournait bien, le salaire de Josiane, et un certain nombre de petits "à côté", la famille n'avait pas de problème financier. Et puis il y avait le rugby... Pierre était lui-même ancien joueur, et poussait déjà Lucas à devenir professionnel. Stan et Thomas étaient encore juniors, mais déjà bien accrochés. France, la mère de Thomas, était séparée de son mari depuis de longues années. Elle avait été internée en hôpital psychiatrique quelques mois et Thomas s'était finalement installé chez les Dalband. Ça faisait un peu plus de trois ans maintenant. Lui avait réussi son bac pro l'année précédente.
Depuis qu'ils étaient entrés dans l'adolescence, Pierre gérait ses fils comme un chef de clan. Trois ans plus tôt, Thomas avait simplement rejoint le clan...
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STAN
C'était la trois ou quatrième fois que j'allais passer la soirée avec eux cette saison. Le Louis XIII est la seule boîte de nuit du centre-ville. Toutes les autres sont en bord de mer ou sur la presqu’île.
Mes poulains s'amusaient beaucoup ensemble et ils avaient toujours quelque chose à fêter. De mon côté, nous sortions peu le soir, ma femme Judith et moi, et de petites entorses avec ces joyeux drilles me rajeunissaient, m'en donnaient l'impression en tout cas.
Stan qui était le plus jeune des trois était presque toujours fauché, mais buvait néanmoins beaucoup trop. Après quel-ques verres, il devenait agressif et ne s’arrêtait malheureu-sement pas là. Je me rappelais avoir écourté abruptement une de ces soirées, alors qu'il avait commencé à s'en prendre sans véritable raison et de plus en plus violemment aux occupants de la table voisine. Ceux-ci avaient d'abord fait preuve d'indulgence face à l'ébriété manifeste du client, mais avaient fini par réagir à la grossièreté croissante des sorties de Stan. La situation s'était soudain tendue et j'étais intervenu précipitamment pour qu'on en reste là, en poussant Stan vers la sortie. Heureusement, les autres m'avaient suivi et ça en était effectivement resté là...
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