équipage Galathée : debout : Black (facile!) / assis de gauche à droite : Hervé, Philip, Thierry, François, Pierre.

Couverture : design maryline Foucaut
Auteurs : François Clavel & Cap'tain Philip
Sortie : en juin 2022 aux éditions Traboule distribuées par BoD (444 pages)
la version e.book est également disponible à la librairie en ligne BoD
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Cap'tain Philip conduit un équipage de chercheurs d'épaves jusqu'à Cochin sur la côte Malabar en décembre 1995. La traversée depuis Madagascar, l'embarquement du matériel de recherche à Victoria, capitale des Seychelles, l'installation du matériel à bord de Galathée, puis les premiers essais sur zone se déroulent sans accroc. Pourtant quelques jours plus tard, les choses se gâtent et dégénèrent rapidement...
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Synopsis de COCHIN BLUES :
" Tout commence comme une superbe aventure maritime : un manuscrit du XVI° siècle évoquant le naufrage d'un navire portugais sur la côte Malabar, le recrutement d'une équipe de spécialistes pour localiser l'épave, le voyage à bord du catamaran "Galathée", les premiers sondages face à Cochin, en Inde, au milieu de la flottille bariolée des chalutiers...
Et soudain, la chasse au trésor vire au cauchemar. Galathée est arraisonné, son équipage jeté en prison. Motif invoqué : espionnage militaire ! Pour cette poignée de Français, "l'Inde éternelle" va prendre un visage particulier : complot politique, administration tentaculaire, corruption à tous les étages, pagaille insurmontable. Six mois de prison et un an et demi de résidence surveillée à échafauder des tentatives d'évasion. A l'inertie locale, les Français opposent leur système D et leurs coups de gueule façon capitaine Haddock. En France, on ne les oublie pas : Jacques Pradel, Jean François Deniau, et même Jacques Chirac interviennent pour leur libération. Avec une certaine réussite puisque quatre membres d'équipage sont enfin libérés. Le deux derniers, Cap'tain Philip, le capitaine de Galathée et François Clavel, l'initiateur de l'expédition devront recourir à d'autres artifices... Ils racontent à deux voix, avec colère parfois, humour souvent, leur "déroute des Indes" - Une histoire de mer devenue polar exotique..."
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LIRE LES PREMIERES PAGES :
PREMIÈRE PARTIE
De Richelieu à Cochin
novembre 1994 – 18 décembre 1995
Journal de François
Je referme doucement le livre terminé puis, à regret, je reviens à la conscience du monde qui m’entoure. Après cette plongée au cœur de l’aventure maritime du XVIe siècle, je refais surface dans la grande salle de lecture de la Bibliothèque nationale, à Paris. Sous les vieilles dorures, les bois cirés et les encorbellements qui abritent les livres, tout semble immuable. Autour de moi, penchés sous autant d’abat-jours verts, d’autres lecteurs sont immergés dans leurs recherches.
Je relis le titre de l’ouvrage que je tiens encore en main : Le Grand Routier de mer, publié à Amsterdam en 1619. L’auteur, Jan Huygens Van Linschoten, était un marchand hollandais érudit. Après un long séjour aux Indes, il occupait les fonctions de secrétaire auprès de l’archevêque de Goa, il rapporta dans son pays « le grand secret », celui des routes permettant aux navires européens de contourner l’Afrique, de traverser l’océan Indien pour toucher la côte des Épices, dont ils revenaient chargés de précieuses cargaisons.
Le livre contient des observations sur les us et coutumes des Indes, mais aussi des indications sur les vents, les courants, en fonction de l’époque de l’année. Un ensemble de données jusqu’alors jalousement préservées, et qui relevaient déjà de l’espionnage commercial… Mais dans cette mine d’informations, une seule anecdote a retenu mon attention. Un fait divers survenu en janvier 1587 devant la ville de Cochin, illustrant l’esprit de lucre qui existait déjà, lui aussi, il y a quatre siècles :
« Or comme on chargeait les navires les uns après les autres, en sorte que par ce moyen l’un partait cinq ou six jours devant l’autre, le navire nommé Reliquias resta le dernier : lequel, nonobstant qu’il avait reçu sa juste charge, fut surchargé de quelque quantité de cannelle, qui pour lors était fort chère en Espagne, les officiers & fermiers qui ne devaient souffrir cela s’étant laissé corrompre par ceux qui y espéraient faire grand profit. Les navires sont coutumièrement à l’ancre à une lieue de la ville lorsqu’on les charge, tellement que quand le temps de leur départ est venu, on y accourt de la ville en des barquettes qu’ils appellent tonnes & Palinges, chargées des personnes qui doivent faire le voyage & d’autres qui les convoient jusqu’au navire, avec viande & breuvage. Ce navire fut si fort chargé que l’eau atteignait jusques aux plus gros cordages, n’y ayant nulle place au bas du navire qui ne fût remplie, même le tillac se voyait tout chargé de coffres entassés les uns sur les autres. Et combien qu’il fût aisé à voir que ce vaisseau ainsi chargé ne pouvait être aventuré en mer sans manifeste danger de naufrage, toutefois à la demande de l’officier du Roi ayant inspection sur les navires qui partent et sur leurs charges, fut répondu, & à ce qu’on dit soussigné, que la charge n’excédait point. Sur quoi on commença à tirer les câbles, lever les voiles & dire les adieux. Mais comme le navire commençait à faire voile & se mouvoir, il eut quelques poules qui, étant sorties de leurs cages, se prirent à voler sur le tillac, pour lesquelles avoir il y eut de la question & gros débat entre plusieurs prétendant qu’elles leur appartenaient, auquel bruit les autres accourant il y eut fort grande presse d’un des côtés du navire qui vint à pencher de telle sorte du côté où la multitude des gens était qu’il enfonça tout bellement en la mer, ne restant presque qu’une paume du plus gros mât hors de l’eau. Par bonheur les barquettes suivaient encore pour ce qu’il faisait doux, de manière qu’elles vinrent bien à point pour sauver les personnes & n’y eut aucun de noyé sinon les pauvres esclaves qui, ayant les fers aux pieds, ne purent être habiles à se sauver. Il n’y eut moyen de rien recouvrer de ce qui y était sinon quelques coffres qui étaient sur le tillac. Tout le reste qui était d’une inestimable valeur fut perdu… »
Après toutes ces journées passées à lire des récits d’auteurs anciens, susceptibles de relater l’aventure de bateaux naufragés, je tenais enfin une piste ! Pour le marin qui ne se sent vraiment à l’aise que face à l’horizon illimité, cette métamorphose obligée en « rat de bibliothèque » est souvent pénible. Il faut accepter le vase clos qui, comme un sas, doit ouvrir sur l’aventure. S’abîmer dans les « fonds » des bibliothèques pour mieux explorer ceux de l’océan, s’immerger dans le silence feutré des salles de lecture avant d’explorer le véritable monde du silence. Cette recherche préalable permet de courir après des chimères, mais des chimères que l’on a pris soin de mettre « au carré » avant le départ.
Il n’y a plus qu’à suivre la piste, me dis-je en déposant au bureau central les ouvrages retirés le matin. Passé la grande porte, quelques pas dans la cour pavée, puis le porche d’entrée, et c’est le choc de la ville. Toujours le même contraste fort lorsqu’on émerge dans la rue de Richelieu. On s’ajuste à la réalité́. Mais déjà l’esprit se transporte jusque sur là côte Malabar, au large de Cochin, où depuis quatre siècles, l’épave de la Reliquiasattend sagement ses découvreurs…
Journal de Philippe
Juillet 1995, Madagascar. Le plus fort de la saison commence. Un groupe Nouvelles Frontières de huit à quinze personnes par semaine. Avec le minibus, je vais les chercher tous les mardis au petit aéroport de Nosy-Bé pendant que Black, le cuisinier, achète les vivres frais au marché. De retour en ville, je laisse tout le monde devant le bureau entre les mains de Géraldine, qui s’occupe des formulaires d’embarquement et montre sur la carte le parcours de l’inoubliable croisière que les « nouveaux » vont accomplir sur Galathée. Pendant ce temps, toujours au volant du minibus, je suis censé récupérer Black et ses cageots sur le marché. On filera ensuite chez la « Chinoise » où notre commande d’épicerie doit être prête, puis à la maison pour prendre les boissons, une bouteille de gaz, un jerrican d’essence, plus un tas de petit bordel dont la liste varie peu d’une croisière à l’autre.
En fait, tout se passe rarement aussi bien…
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