Guilleret, qu’il est revenu de chez la princesse le pitaine ! Direct dans sa bannette ! Bon, on part demain, c’est d’accord , mais à quelle heure ? sous quelle amure ? vers où ? Les Gambiers direct ? Ce matin pareil… son kawa, ses œufs aux plats, tranquilou, le vieux… mais pas un mot ! Et le voilà qui commence à bricoler sans se presser… passer les deux premières bosses de ris, remonter le point d’amure du foc de 20 centimètres en remplaçant la manille par un laçage comme lui a conseillé Georges, etc… Je vois bien qu’il regarde souvent vers la plage, comme s’il attendait quelque chose… Mais va savoir quoi ? Muet comme une carpe, je vous dis !!!
Faut pas déconner non plus ! y’a des usages dans la marine, bon dieu ! l’armateur parle pas à son capitaine comme à un simple employé et le capitaine ne traite pas son bateau comme une vulgaire bonne femme !!! Ni une ni deux j’ai foutu ses chiottes en panne. Là j’étais sûr de toucher un point sensible ! Il aime pas chier par-dessus le bastingage, le vieux. Il lui faut ses petits aises, figurez-vous… J’avais vu juste ! quand il a découvert l’affaire un moment plus tard , il s’est quand même tourné vers moi… C’est bizarre, tu trouves pas ? On a mis des chiottes neuves avant de quitter Sainte Marie. J’ai même pas répondu ! Si je savais « faire de la prose » j’y aurais rétorqué « c’est peut-être bizarre, mais c’qu’est encore plus bizarre, c’est que je sois informé de rien alors que c’est le jour « J » ! »
Il a scruté la pompe d’extraction du chiotte. J’ai pigé qu’il soupesait le boulot que ça allait lui faire de la démonter, parce que bien sûr ça venait de là, j’étais bien placé pour le savoir….
Au lieu d’aller chercher sa trousse à outils, il est allé voir dans l’autre coque. « Celles de tribord marchent au poil, de toute façon, j’ai pas envie de faire ça maintenant, le vent va venir à l’Est en milieu de matinée, j’attends que tu t’alignes sur l’hôtel à gauche de la plage, ce sera le moment de bouger ! »
Ah quand même, il décoince !!! Quand je vous parlais de point sensible….
Donc ça y est, j’ai les infos : on file plein sud au bon plein, 1 ris dans la grand-voile, juste deux tours dans le génois pour le moment. On contourne les récifs par l’ouest, dans deux heures on est route libre ! Vers le Horn ou l’archipel des Gambiers , ça dépendra du niveau auquel on trouvera les vents d’ouest. Si on est déjà très sud ça vaudra plus le coup de remonter vers les Gambiers qui sont à la même latitude que Nouméa.
Les voisins nous font signe, pas les amerloques, mais un autre couple du même tonneau, pour l’âge et la taille en tous cas, 1,75m pour ces dames, un peu plus pour ces messieurs. Mais, ceux-là sont français, et c’est plutôt le style : Madame dit son avis, Monsieur, ancien gendarme, décrète… Ils naviguent sur un grand sloop très spacieux en compagnie d’un vieux chat grognon qui a sa propre cabine.
Ils sont allés le chercher en Australie quelques années plus tôt (le sloop pas le chat) à l’heure d’une seconde retraite puisque qu’après la retraite du gendarme, ils sont venus à Nouméa monter un club de plongée, qui a sans doute fort bien marché à en juger par le standing du bateau qu’ils ont acheté après la vente du club…
Un signe qui semble dire : « alors, encore à l’ancre, vous deux ? Et ce départ ? »
Le soir de notre arrivée à l’île des pins en effet, sous prétexte d’envoyer les photos de l’épisode 32 (qui passent mal via l’iridium), Cap’tain Philip était allé frapper à leur coque. Le court épisode « internet » avait été suivi d’une bonne bouteille autour de laquelle chacun s’était raconté. Eux, le club de plongée, la virée en Australie en quête d’un coursier et bien sûr le chat ; Cap’tain Philip, nos aventures ; à l’emporte-pièce bien sûr, pas dans les détails tels que je vous les raconte au jour le jour ! Le fait est qu’il avait été question du jour « J » et que le jour « J » , c’était maintenant !
D’ailleurs ça y était , j’avais les coques pointées vers l’hôtel et même déjà un peu à gauche et le patron avait déjà mis les moteurs en chauffe depuis cinq minutes. Il était occupé à hisser la grand-voile à un ris. On était mouillé par 4 mètres sur fond de sable, la manœuvre prendrait deux minutes en comptant large. Le récif que je dois contourner avant de mettre cap plein sud s’appelle « NDIOUARE», encore quelques écueils cachés derrière à éviter si possible… et… à nous la belle vie !!!
Tiens avant que j’oublie ! si vous voulez savoir où on en est de notre vadrouille, cliquez sur le lien suivant :
Ç’est notre balise.
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