Jamais j'aurais pensé que ce vieux clou ressortirait de la cabine avant Bd qu'est devenu un genre de grenier pour trucs qui serviront plus, justement... Bref, il a besoin d'une sacrée séance de burette, c'est le moins que l'on puisse dire, le fameux vélo...
Ça se fait où un graissage de chaîne de vélo ? Je vous laisser juge... Sur un coin de dalle ou d'herbe rare à peu près à l'écart des passants, non ? C'est ce que répondrait n'importe qui de sensé, il me semble ! Ben eux, non ! Captain Philip le premier, mais pas que... Franck, le second, tout autant que le dit Giovanni, faisaient exactement pareil... Graissages, bricolages divers, vidage/écaillage de la pêche, etc. Tout ça se fait sur le caillebotis de ma passerelle !!! Vous imaginez ? Un pur scandale !!! Et le pire, ces faux culs, c'est qu'ils le savent très bien qu'ils outrepassent... Pour se défausser, l'air de rien, ils parlent de « la plage arrière » comme s'ils étaient sur un vieux cargo ou un chalutier en pêche...
De plage arrière sur un catamaran hauturier, y'en a pas ! On ne peut pas faire plus simple ! Merde à la fin ! Soit y'a juste un filet comme à l'avant, soit y'a UNE PASSERELLE, qui permet de voir tout l'horizon et bien sur les voiles par dessus le bimini et de passer très rapidement d'une coque à l'autre sans descendre dans le cockpit même quand on est sous voiles, et, accessoirement un bossoir, encore derrière, comme on m'a rajouté aux Antilles. Mais de « plage arrière » avec une dunette où on enferme le cochon qu'on engraisse avec les épluchures de la cuisine pendant toute la traversée pour le griller à la broche à la veille de l'arrivée à Marseille entre le rocher de Gibraltar et la montagne aux singes... NON ! Y'en a pas sur un cata... donc y'en a pas chez moi !!!
En plus, les sournois, pour se donner bonne conscience, ils font comme si... Exactement comme le novice du même cargo en route pour Marseille qui balance deux trois seaux d'eau de mer chaque matin après avoir donné à bouffer au cochon, histoire de repousser ses déjections jusqu'à la fargue, ils balancent eux aussi un ou deux seaux d'eau sur ma passerelle après y avoir fait leurs cochonneries... L'air de rien, ou plutôt l'air de rincer une plage arrière de vieux barlu !!! Avouez qu'y a de l'abus, non ? Où t'as vu qu'un sceau d'eau va m'nettoyer ton putain d'cambouis, espèce de primate, que j'ai envie d'leur balancer à chaque fois !!!
Ah, quand Géraldine (c'est la chérie de Captain Philip) est là, comme à PORT LOUIS pendant les réparations, ça se passe pas comme ça ! Mais alors là, pas du tout !!! J'ai à m’occuper de rien côté discipline... Juste à mettre les pieds sous la table à l'heure du casse-croûte, si on peut dire... Elle a que des petits frères, Géraldine, genre 5 ou 6... Tu parles si elle connaît la musique ! Elle, tu la duperas pas avec des histoires de plage arrière ou de seaux d'eau de mer balancés à la diable pour cacher la misère... Y'a pas une goutte d'huile qui sort des moteurs sans être soigneusement enfermée dans une bouteille cachetée, ni le moindre chiffon sale qui rentre dans le carré... Justement, il est question qu'elle vienne habiter sur le bateau quand toute cette mascarade virus sera retombée aux oubliettes. Pour moi, ce sera le début des vacances !!!
Bon, ma passerelle est constellée de gouttelettes d'huile sale, mais le vélo est prêt et même chargé en travers de l'annexe... Tiens, Captain Philip file un coup de brosse sur les lattes de ma passerelle avec du détergent et une cuvette d'eau douce... Il m'a reçu 5/5. Il sait très bien qu'il a été trop loin sur ce coup là... Et que je laisserai pas passer ça, sinon...
Il a mis mon chariot de GV dans son petit sac à dos bleu. Je le vois déjà pédaler au loin sur la promenade avec le panier d'osier qui balance au guidon. J'peux qu'lui souhaiter bonne chance à mon capitaine... Dégoter le petit atelier qui va bien au milieu de ces buildings en désordre... Bonjour !!! Tiens, essayez d'imaginer un p'tit gars en vélo dans le quartier d'affaire de la Défense à Paname qui cherche à faire ressouder le Schmilblick qu'il a dans son panier d'osier... Ça vous donnera une petite idée du tableau...
Comment ça ! « d'où j'connais la Défense ? » Bien sûr, que j'y suis jamais allé ! J'me vois mal passer sous le pont Mirabeau avec mon mat de 22m ! mais j'ai vu des photos, des vidéos même ! Oh les gars ! On est au XXI siècle, faut sortir un peu ! Bon les ponts de la Seine, je voulais dire... Bien sûr ! Le pont Mirabeau, c'est juste un clin d’œil aux moins incultes... Je sais bien qu'il est deux grosses boucles en amont de la Défense, le pont Mirabeau... J'ai soixante balais, je vous l'rappelle...
Tiens puisqu'on a le temps du coup, j'y reviens à ce mois de réparation à l'île Maurice. C'était l'automne dernier. Ça, j'avais une sacrée main d’œuvre à disposition ! Donc y'avait Géraldine qui nous avait rejoint là-bas sur un vol d'Air Madagascar. Pas qu'elle aime pas le bateau, mais elle bosse, elle, figurez-vous, pendant que Captain Philip se balade au gré du vent ! Elle a un atelier de couture qui tourne bien à Sainte-Marie. Ses clients ce sont les hôtels, toiles de parasols, bains de soleil, transats, sellerie de bateaux, etc.
ajouter photo geraldine a port louis
A bord, y'avait aussi son petit frère Charles. Lui, avait embarqué dès le premier jour à Nosy-Be quand Captain Philip m'avait acheté six mois plus tôt. Il avait aussi un atelier, Charles, d'électromécanique, lui. Ça faisait déjà vingt ans qu'il avait émigré à Nosy-Be ce saint-marien là ! Pourtant, dès qu'il avait été question d'embarquer chez moi, il n'avait pas hésité une seconde...
Au début comme avec Captain Philip, on a encore travaillé à Nosy-Be quelques semaines avec une société de pêche, histoire de me payer des panneaux solaires plus costauds et des batteries de bonne qualité, Charles n'intervenait qu'aux escales. Les urgences avant la prochaine sortie, électricité, menuiserie, plomberie, etc... Par contre, dès qu'on avait commencé à préparer le départ pour Sainte-Marie, Charles de son côté avait commencé à empaqueter ses petites affaires et préparer sa smala à l'idée du retour vers leur île natale... Géraldine, entre deux commandes, était venue me voir à Nosy-Be, même si elle connaissait bien ma grande sœur qui me ressemble quand même pas mal, pas côté caractère heureusement, je vous rassure, et sur laquelle elle avait été hôtesse, des années plus tôt, à Nosy-be justement.
La veille du départ pour Sainte Marie, y'avait plus eu qu'à remonter un bras de rivière qui conduisait vers Dar Salam, le quartier où avait habité Charles pour embarquer tout un bazar, une bonne dizaine de moteurs électriques en pièces détachées, l'outillage en rapport, matelas, un vieux vélo et bien sur Madame, un grand dadais de fils et une adorable petite Carla de 6 ans tout juste qui constitueraient avec d'autres matelas et de gros ballots de linge un second voyage en annexe...
Mais mon équipage à Maurice serait aussi aussi constitué de Franck, le toubib, mais qui savait faire beaucoup d'autres choses et surtout donner la main à tout. Lui avait embarqué à Sainte-Marie, un mois avant le grand départ ; du fameux Giovanni, électromécanicien, lui aussi, résident à Sainte-Marie, mais prêt à fermer son atelier pour quelques temps afin d'embarquer chez moi avec Captain Philip ; et enfin d'Alain, le cuisto parisien qui n'arriverait, lui, qu'à Maurice quand il faudrait bien nourrir tout ce petit monde qui bossait du matin au soir sur le tarmac surchauffé du chantier de Port Louis pour me refaire une jeunesse...