Me voilà donc de nouveau sur le départ ! On est déjà au début du mois d’octobre et c’est hier que le vieux est allé récupérer sa fameuse Géraldine dont on entend parler du matin au soir et du soir au matin depuis des mois, à l’aéroport de Faa’a. Ils ont passé la journée à se balader à Papeete, pendant que je poireautais à Taravao dans l’attente de la nouvelle patronne. Mais j’ai l’habitude, pas de lézard…

Bon Géraldine, je la connais, vous me direz ! Elle était du voyage avec son petit frère Charles quand on est monté tourner le cap d’Ambre pour m’amener à Sainte Marie, mon nouveau port d’attache, il y a deux ans. Ensuite, elle nous a rejoints à l’île Maurice pour le remâtage. Mais ça fait un sacré bail tout ça ! De l’eau est passée sous les ponts comme vous dites à terre ! Nous, on parle plutôt de nombre de lunes et de marées, et question marées, on parle là de plus de mille depuis que j’ai quitté Port louis pour l’île de Rodrigues avec mes nouvelles voiles !

En tout cas, je me rappelle de trois choses. Elle a bon caractère Géraldine, le contraire d’une chieuse dont la planète est pourtant très largement pourvue, si vous voyez ce que je veux dire... C’est par ailleurs une excellente couturière. Mais comme pas mal de patronnes, elle aime bien que tout soit propre et briqué à bord…

Bon, mon Capitaine, vous le connaissez ! Un peu allumé, bouffeur de milles en diable et un rien fracasse, mais question entretien, rien à dire ; pas à m’en plaindre. Rare qu’un truc reste en panne plus d’un ou deux jours, même à la mer. Après, question briquage à fond, astiquage nickel, c’est pas son violon d’Ingres… Mon frigo, il le nettoie de temps en temps, le faubert il le passe dans le carré quand ça lui chante, ma Vénus il la brique quand ça le prend, mais c’est pas non plus tous les matins…

Bref quand Géraldine a découvert le chantier, qu’était pourtant relativement rangé par rapport à d’habitude, elle a eu envie de pousser des hauts cris ! Mais elle s’est retenue. Elle a pris les trucs un par un sans s’affoler et en quelques jours, j’ai changé d’allure.

Entre-temps, il avait fallu réfléchir à la suite à donner à ce voyage…

L’équation n’était pas si simple…

Géraldine est une insulaire. Ses racines sont là-bas, groupées sur l’île où elle est née ; s’en éloigner plus de quelques mois lui semble insurmontable… Mon Capitaine, lui est un pirate ; Il vit de rapines depuis un  sacré bail et ne touche terre que quand il s’y trouve un pactole conséquent à empocher. Deux options difficiles à concilier à première vue…

L’idéal aux yeux de Géraldine c’est de me ramener à  mon port d’attache qui se trouve être l’île en question, Sainte Marie, par le chemin le plus court ; et le chemin le plus court, c’est mettre cap plein ouest et filer dans les alizés vers le détroit de Torres, puis vers Rodrigues et Maurice à travers l’océan indien, porté là encore par l’alizée de sud-est. Mon capitaine n’est pas contre à priori. L’option présente cependant quelques inconvénients et heureusement au moins un avantage que mon capitaine se doit d’exposer à son équipage le plus clairement possible…

L’avantage c’est Eliane, une québécoise petit format mais gonflée à bloc que nous avons rencontrée à Rangiroa au printemps, le patron et moi. À l’époque, Éliane était équipière sur un voilier américain ; mais ledit voilier comptait relâcher plusieurs mois à Tahiti et Éliane était partante pour continuer sa route à mon bord vers Madagascar. Notre départ dépendait évidemment de l’arrivée de Géraldine qui était à l’époque estimée entre août et septembre… Une équipière pleine de pep’s en plus, ce n’est pas négligeable. Du coup mon capitaine avait gardé un contact régulier avec Éliane depuis que nous avions touché Tahiti à notre tour. Et voilà que la complexité outrancière des restrictions de voyage liées au Covid oblige le vieux à repousser l’arrivée de sa chérie début octobre. Manque de bol, le visa d’Éliane expire fin septembre. Bien que le patron lui ait garanti qu’il pourrait facilement faire prolonger son visa de quelques semaines en l’inscrivant dès à présent sur mon rôle d’équipage, Éliane préfère embarquer sur un voilier qui appareille pour les îles Fidji avant l’expiration de son visa et nous attendre là-bas.

Voilà donc pour l’avantage : Si on met le cap sur le détroit de Torres, on peut embarquer Eliane aux îles Fidji qui sont en effet pile sur la route…

Les inconvénients par contre, il y en a plusieurs… Et de taille !

Le principal c’est qu’on est déjà début octobre et que la saison des cyclones dans l’océan Pacifique commence mi-novembre. Il faudrait donc m’avitailler toute affaire cessante et appareiller dans les jours qui viennent. Ceci dit, c’est jouable puisqu’on a 25 jours de mer jusqu’à Torres avec un alizé  force quatre à cinq, très régulier à cette période de l’année, dans le cul. Dans l’océan indien la saison commence en décembre, mais là, il y a une parade ; à la sortie de la mer de Timor on peut remonter au niveau de l’équateur, soit largement au nord de la zone de formation des cyclones tropicaux  et bénéficier néanmoins des vents de secteur Est, très réguliers là aussi, jusqu’aux Seychelles où on sera quasiment arrivés. Reste la mer d’Arafura entre l’Australie et la Nouvelle Guinée où des cyclones petits en taille mais pas forcément en intensité peuvent se former dès la fin novembre et se rabattre rapidement sur les côtes nord de l’Australie. Autrement dit ça va être la course pour sortir de là avant fin novembre avec suffisamment de marge… Voilà pour le premier des inconvénients en question.

De plus, dans cette mer d’Arafura enfermée par les terres (Australie et Nouvelle Guinée), les vents deviennent variables. Il faut donc détenir une provision  de Gaz-oil suffisante pour parer aux éventuels vents et courants contraires… Ce qui nous amène au deuxième et troisième inconvénient.

Dans les eaux territoriales néo-guinéennes puis indonésiennes, mon capitaine sait risquer de rencontrer plus féroce pirate que lui… D’où la nécessité, dès la grande barrière de corail franchie, de  naviguer exclusivement dans les eaux territoriales australiennes à l’abri des mauvaises rencontres. Contrairement à ce que pensent peut-être certains, un garde côte australien ne serait pas à proprement parler une « mauvaise rencontre ». Il aurait certes toute latitude pour nous contrôler, tant mon équipage que mon éventuelle cargaison, mais pas celui de nous chercher noise ; le pays administrateur a certes le droit de protéger ses ressources halieutiques et autres dans sa zone économique, d’interdire tout trafic illicite à ses yeux et même le mouillage forain dans ses eaux territoriales, mais pas celui de s’opposer au libre passage des navires.

Le troisième inconvénient découle directement du second. Rester dans les eaux australiennes, ça veut dire s’interdire tout arrêt technique (refouling en particulier), dans la mesure où la politique anti-covid des australiens reste draconienne. Il n’y aura aucune chance d’obtenir une autorisation d’entrée en Australie avant longtemps, plusieurs mois en tout cas !

Le dernier inconvénient de l’histoire et peut-être le principal, c’est qu’il n’y a pas que l’Australie qui soit hermétiquement fermée à tout navire étranger depuis plus d’un an… C’est le cas de pratiquement tous les micro- états du Pacifique sud. A l’exception des îles Fidji dont on a déjà parlé et de Port Moresby en Nouvelle Guinée. Pour les Fidji, le patron s’est renseigné avec l’aide d’Eliane qui est déjà sur place. Les Fidjiens semblent vouloir rentabiliser leur politique d’ouverture ; entre droits d’escale et taxes dues aux différentes administrations concernées, c’est l’affaire de 2000 $ minimum… Même s’il s’agit de $ fidjiens, c’est largement hors de portée de notre bourse… Quant à Port Moresby et la Nouvelle Guinée  en général, on a déjà parlé du problème… Restent les  îles Wallis et Futuna et la Nouvelle Calédonie qui sont françaises, mais pour les premières, le patron a déjà fait une demande et c’est un niet définitif qui lui est revenu dare-dare ! Aucune autorisation d’entrée accordée aux yachts, même français, ce que je ne suis d’ailleurs pas… Raison invoquée : Wallis et Futuna sont « Covid free » et comptent bien le rester ! En Nouvelle Calédonie, c’est encore possible aux dernières nouvelles, mais justement ça risque de ne pas le rester longtemps car la propagation de la pandémie s’est brusquement accélérée ces dernières semaines… Le résultat de tout ça c’est que le retour direct vers Madagascar consisterait en une course de soixante jours de mer sans escale possible et avec un risque faible mais bien présent dans la tête de se retrouver à proximité du point de formation d’un cyclone en mer d’Arafura  sans échappatoire possible… Et bien sûr ce n’est pas ce qu’on souhaite pour Géraldine, le patron et moi.

Du côté de mon capitaine, la seule option éliminée d’office, est celle du cap Horn…Embarquer Géraldine  dans un plan pareil n’aurait pas de sens ! Même si, pour ma part, je me sens  prêt pour l’aventure maintenant avec mon étanchéité de pont entièrement refaite, mon bas étai, mon chauffage et mon gréement ramassé sur huit cadènes (au lieu de trois je vous le rappelle).

Reste donc Panama ! Un capitaine danois est justement venu à mon bord le mois dernier. Les deux bonshommes ont longuement discuté dans mon carré. Le géant danois partait le lendemain avec un équipage de sept colosses du même acabit, mâles et femelles à poids égal, pour Fakarava, le seul atoll des Tuamotu pourvu d’une station de carburants à quai. De Fakarava, il comptait ensuite gagner au moteur un point XY situé à 700 ‘ dans l’ENE des îles Marquises pour trouver des vents de sud au niveau de l’équateur  qui l’amèneraient quasiment plein travers jusqu’à Panama.

Tout ça a forcément donné des idées à mon capitaine… À ce qu’il m’a expliqué - puisqu’il prend quand même mon avis en compte et que pour ça il doit bien commencer par m’expliquer ses plans fumeux par le détail - lui compte adapter le plan du viking :

1°  Profiter des courtes fenêtres qui perturbent de temps à autre le régime d’alizés pour gagner les îles Marquises par étapes à travers l’archipel des Tuamotu.

2° Attendre là-bas, les pieds en éventail et le guide touristique dans la poche revolver, une fenêtre de quatre à cinq jours minimum où l’alizé projetterait de pencher franchement au sud-est afin de gagner le point XY en question au bon plein et rattraper ainsi la route travers le long de l’équateur jusqu’à Panama. L’affaire d’un mois de mer au départ des Marquises.

L’avantage de l’option du patron c’est qu’elle reste « ouverte » : Imaginez par exemple que cette fenêtre idéale tarde à se présenter ; il ne nous resterait qu’à prolonger quelque peu nos vacances aux Marquises et début avril, la saison cyclonique une fois derrière nous, on serait fin prêts pour prendre finalement la route des alizées via le détroit de Torres en toute tranquillité d’esprit… Plus le moindre cyclone à l’horizon jusqu’à l’année prochaine !

Et bien figurez-vous que la nature étant bien faite, on n’a pas eu à subir les affres de ce choix cornélien puisqu’entretemps voilà que Celes, une amie de longue date du patron, nous balance une nouvelle de taille ! Elle nous envoie ses deux garçons ; Etienne et Emile !!! Le Covid est toujours vivace, en Polynésie tout particulièrement. Pourtant, de test trucmuche en imprimé lambda « visé par l’autorité compétente », ça finit par passer… Mais pour Etienne seulement. Emile n’est pas encore vacciné et du coup, ce serait vraiment trop compliqué.

L’avion qui nous amène Etienne arrive le 21 octobre à l’aube… L’option « retour direct » avec un départ de Papeete le 10 octobre, c’était déjà très limite… Mais avec un départ le 25 octobre au plus tôt, ça devient franchement trop la course avec la saison cyclonique !

Nous voilà donc avec quelques jours devant nous pour nous balader dans « Tahiti iti » (la petite Tahiti), aussi surnommée « la presqu’île » par les « popas » (métropolitains en rade dans l’archipel).

On attaque par une balade le long de la côte au vent jusqu’à la célébrissime vague de Teahupoo, rendez-vous des surfeurs du monde entier et on poursuit le lendemain en vélo jusqu’au « plateau » où se croisent troupeaux de vaches normandes, pommiers et verts pâturages. C’est la « petite Suisse »…

On est déjà le 15 et une fenêtre commence à s’ouvrir pour le 22, un flux de nord sur 24 à 48 heures qui pourrait nous suffire pour gagner l’atoll de Fakarava à 240 miles dans l’ENE… À suivre !

En attendant il faut me préparer pour le départ ; que je sois fin prêt à appareiller dès le 20 au soir. De sorte que si la tendance se confirme, le 21 soit une journée de détente pour mon équipage, en particulier mon tout nouveau matelot, qui faute de « visiter » Tahiti, pourra récupérer de ses 21 heures d’avion …  Courses «de fond», gaz, plein d’eau, carénage, vidanges diverses, bouclage des bricolages en cours, rangement, etc… Bref, fini les promenades en vélo !

21 Octobre. Le matelot est au rendez-vous, sac sur l’épaule, casquette RED BULL à poste, tatouages de couleur sur les avant-bras.… C’est  lui, aucun doute !!! Le patron a rejoint l’aéroport de Faa’a avec le premier bus, lui, car il n’est pas encore 5 heures du matin.

Journal du matelot :

« Me voilà donc sorti de ce nid à microbes, bagage en main vers 4H30 / 5H ! Ouf, je peux enfin souffler et officiellement dire que je suis arrivé à … Tahiti ! Yeaaah Mama, c’est les tropiques ma gueule ! Calooor, j’suis caliente !!!

À peine sorti, je me fais alpaguer par un type, cheveux gris coiffés en arrière, type mafieux, mine bien bronzée, imper rouge, short et chaussures de bateau… Bon, si t’es pas trop con, t’as capté que je te parle de mon capt’ain ! J’ai nommé le seul et l’unique, Captain’ Philip ! J’avoue que, vu la coupe de veuch je l’aurais plus appelé « Vito » ou « Parrain »… Mais là, je m’embarque pas dans la mafia, j’embarque sur un navire, ce sera donc Capitaine…

Me voilà donc au seuil de ma première rencontre avec le vieux pirate ! Première rencontre, pas tout à fait, étant donné que je l’avais déjà croisé un soir, à une table de jeu… Il s’agissait d’une partie de «  RISK » endiablée qui avait bien duré 4 heures. Mais bon… J’avais cinq ans, donc je suis pas sûr que ça compte vraiment!

4 heures du mat’, après 21 plombes d’avion, j’t’avoue que j’suis pas très frais… Mais, face à moi, ce gars souriant et jovial me redonne du peps. Surtout que Mister a pris la peine de se lever pour prendre le premier bus à 3H du morninge pour venir me chercher. Donc soyons éduqué et restons happy ! De plus, je vais peut-être me répéter… Mais, bordel de merde… On est sous les tropiques, Mamaaa !

J’embarque mon sac et on se dirige vers l’arrêt de bus. Il passe toutes les demi-heures. Ouais, moi aussi j’suis étonné qu’il y ait des bus à cette heure là. Mais ici, dans le pacifique sud, comme dans tous les pays tropicaux, les journées ne sont pas les mêmes ; à 5H du matin, il fait jour et à 18H, il fait nuit ! De plus, avec la chaleur, les gens travaillent plus tôt le matin.

Nous voilà donc à attendre le bus. Nous sommes sur une petite butte et je peux enfin me poser pour observer les alentours… Malheureusement devant nous quelques maisons nous cachent la vue. À gauche, la route, classique ; et à droite… la route, classique aussi. Derrière nous, le grand parking de l’aéroport, rien de bien fou, donc. Pas grave, on verra dans le bus à quoi cette fameuse île ressemble ! En attendant, je discute avec Popeye, le vieux marin. Bien entendu, je le remercie pour cette fabuleuse opportunité avec un grand sourire et de la joie dans le cœur. Lui, tout sourire me raconte quelques histoires, notamment avec la reine de mon sang et aussi les aventures de son pote Alain. Ce mec-là a l’air d’être un sacré personnage, mais bon, je vous raconterai rien. Je poucave ap moi !

Le bus est enfin là. On monte. Le chauffeur a tout l’air d’être un sombre fils de pute, vu comment cet empafé nous aboie dessus pour voir nos tickets. Bref, passons. Dans l’autobus ça se sent qu’on est encore la nuit. Quelques passagers à moitié endormis, sûrement des Hommes avec un grand « H » (je dis ça pour les féministes) qui se sont levés tôt pour aller bosser. Tout en discutant, j’observe la végétation tropicale. Beaucoup d’arbres d’un vert incroyable s’entremêlent avec de nombreux cocotiers. Bientôt les habitations se font plus rares, quelques cases faites de tôles par ci par là, de plus en plus espacées. Il n’y a qu’une seule route qui fait le tour de l’île, me dit Philip. Aucune ne la traverse car au milieu se dresse une immense montagne recouverte d’une végétation dense. Sûrement un ancien volcan, me dis-je… Hypothèse aussitôt confirmée par mon capitaine autant que prouvée par les scientifiques…

1H30 plus tard, nous voilà arrivés à la marina. Je précise que pour pouvoir descendre à temps de cet avion terrestre, il faut gueuler « Tapéa » au chauffeur pour qu’il daigne s’arrêter. Le jour est maintenant levé depuis une bonne heure. Et dans ce petit port pour yachts, des petits groupes de moussaillons sont déjà à terre pour préparer leur plongée du jour. Bah oui, Morray, ici, t’es près de la barrière de corail, spot de champions pour les amateurs de plongée sous-marine…

Ni une, ni deux, je récupère le code Wifi du club de plongée pour lâcher deux, trois messages expliquant que, malgré vos prières éventuelles, mon avion ne s’est pas crashé et que je suis toujours bien en vie sur mes deux cannes ! J’y glisse quelques photos « carte postale » pour faire rager la populace et retourne voir le cap'tain. Lui, complètement dans son élément, comme un poisson dans l’eau, discutaille avec la populace. Vu que la daronne m’a confié une tablette pour lui, on pose nos petits derrières sur un banc pour commencer à la configurer. C’est pas un as de l’informatique, le pépère… Et lui-même m’avoue que ça l’agace assez vite… ‘Fin bref, je lance les mises à jour nécessaires et en attendant qu’elles se téléchargent, on prend nos clics et nos clacs pour prendre la direction de la bête. On monte sur l’annexe solidement accrochée par un nœud de chaise à un petit ponton… Alors, une annexe, pour tous les demeurés de la voile, c’est une petite embarcation, style barque ou zodiac… qui sert à rejoindre son bâtiment quand celui-ci est au mouillage au milieu de l’eau (« sur rade », dit-on paraît-il)… Et alors le mouillage, pour les mêmes demeurés, c’est lorsque tu jettes l’ancre à la flotte afin que ton bateau reste là où il est… Et alors, une ancre, toujours pour les mêmes ramollis… Naaaaan, je rigole ! Si tu ne sais pas non plus ce que c’est, j’avoue que je ne sais plus trop par quoi continuer…  Ah si ! Couillon va…

Allez, retournons sur notre annexe en direction de ce fameux navire… Déjà, pour monter dessus, si t’as pas le pied marin, fait beleck parce que c’est pas très stable, une annexe, et t’as vite fait de faire le grand bain… Moteur. Direction notre yacht. À mi-chemin je me retourne pour contempler les sommets de l’île avec un  plus large panorama… Et je vous assure que ça vaut le coup d’œil ! Vraiment de toute beauté… Comme on dit dans les guides ! Oui, je sais, ça te fait saliver… Et si c’est pas le cas, va sur Google earth (placement, tu connais, ça rémunère !). Tu verras, t’en auras une gaulle ! » »

Géraldine est restée à bord. Non pas pour faire la grasse matinée mais pour briquer et astiquer de plus belle ! Pour vous donner une toute petite idée du changement intervenu depuis son arrivée…  Du temps où on n’était que tous les trois, Mandarine, mon capitaine et moi-même, le patron avait sa cabine à l’arrière et les trois autres cabines étaient chargées ras la gueule d’un monstrueux bordel que je vous laisse le soin d’imaginer, où le vieux était bien le seul à pouvoir retrouver quelque chose d’utile…

Aujourd’hui, ledit bordel est regroupé dans une seule cabine à l’avant et rangé au cordeau. Géraldine a réaménagé l’autre cabine avant, qui est en effet plus aéré, pour s’y installer avec mon capitaine, et la cabine arrière où ce dernier campait avec ses outils et attirails divers est maintenant réservé à cet effet ! L’autre cabine arrière est nickel et attend le matelot dans un parfum de fleur de Tiaré…

Le temps de sabrer la bouteille de « Champagne Ananas » , local mais excellent, qui attendait son heure dans le friseur. C’est le temps de la check list… Le frais (légumes/fruits/pain, etc.) pour Etienne et Géraldine ; la quincaillerie/ huiles et carburants, pour le patron….

Le 22 est un vendredi. Il fait beau. Le vent attendu est là, mais on le sent à peine dans Port Phaeton, entièrement abrité par les hauteurs environnantes. Ce n’est que vers 11 heures du matin après avoir contourné la presqu’île de Tahiti Iti à l’extérieur de la barrière de corail que les voiles commencent à porter. Mon capitaine a pris deux ris dans la grand voile avant même de quitter le mouillage pour ne pas avoir à tester trop rudement son nouvel équipage dès les premières heures.

De fait il y a déjà un petit 6 de NNW , ce qui me met quasiment plein travers. Vous pensez bien qu’à cette allure, avec deux ris dans la grand-voile, moi, je rigole ! C’est heureusement aussi le cas de mes deux nouveaux hôtes. Malheureusement, ça ne dure pas…. En fin d’après-midi, une ligne de grains croise notre route avec de longues rafales à 7 chaque fois et mon nouveau matelot, puis Géraldine disparaissent chacun leur tour… Ils émergeront le lendemain dans l’après-midi. L’atoll de Fakarava sera déjà sur le fil de l’horizon et le soleil aura repris ses droits sur une mer tout juste agitée.

Au milieu de la nuit un grain plus fort oblige le patron à réduire encore le génois et à se mettre en fuite puisqu’il n’a provisoirement personne sous la main pour prendre le troisième ris dans la grand- voile et que l’anémomètre reste bloqué entre 34 et 36 nœuds pendant un bon moment. Nous voilà  donc à caracoler tranquillement tous les deux - puisque Mandarine a elle aussi déclaré forfait - à une trentaine de  degrés sous le vent de notre route… On rattrapera ça demain quand ce gros grain qui se déplace plein Est deux bonnes heures avec nous sera passé…

Dans tous les cas, pour nos deux nouveaux, bien calés dans leurs bannettes, c’est le baptême de rigueur !!! …Ça ira mieux demain, comme on dit !!!

Extrait du journal de Géraldine :

Fin de l’épisode