Opéra de sydney à Circular quay - "Rose bay" est tout au fond de la baie dans l'alignement des 2 ferries

Nous voilà donc en train de remonter la baie de Port Jackson par une très belle matinée d'automne, puisqu'on est en automne ici, dans l'hémisphère sud, comme j'ai dû déjà vous le dire. Mon carré et ma cabine arrière Tribord sont encore en plein chantier, mais Cap’tain Philip a paré au plus urgent ; toutes mes pompes de cale fonctionnent. J'en ai six au cas où vous seriez pas trop au courant … une dans chaque coque au niveau des descentes, une dans chaque toilette et une dans chaque compartiment moteur. Plus une volante qu'ils ont bricolé avec le second après qu'on ait eu tous une sacrée frousse dans les quarantième quand Cap’tain Philip s'est enfin aperçu que j'avais une pointe avant noyée jusqu'au sabord. Donc celle-là se branche sur l’éclairage de l'une ou l'autre pointe avant. Et puisque vous voulez tout savoir, il y a aussi une grosse pompe à bras dans le cockpit avec un long tuyau qui peut aller aspirer partout dans mes fonds. Bon tout ça est OK, les groupes de pression, celui de l'eau douce et celui de l'eau de mer aussi, frigo et congelo (dont on ne se sert jamais car il tire comme un  malade sur mes batteries) OK aussi, ainsi que tous les appareils de navigation, y compris le sondeur qu'Alfred était parvenu à foutre en panne à seule fin de nous emmerder comme vous le savez déjà !

Bon, il reste quand même tout l'éclairage de la coque tribord à faire et croyez-moi, ça fait du fil ! Du  coup, carré et cabine arrière tribord toujours en chantier comme je disais à peine. La cabine arrière bâbord, c'est celle de mon capitaine... autant dire que c'est le boxon ! Faut dire que c'est là qu'il y a le grand coffre où sont minutieusement rangées, ça je le reconnais, toutes mes pièces détachées. Je sais pas si vous arrivez à voir le truc ? C'est pas immédiat …. à l'intérieur du coffre c'est super bien rangé, à l'extérieur c'est le boxon ! Y'a que sa bannette qu'il arrive à tenir à peu près propre pour pouvoir s'y allonger direct quand il est naze, plutôt que d'avoir encore tout à déménager à ce moment-là. Enfin propre … j'ai vu mieux, franchement !

CABINE PATRON

Disons « libre » ou « nette » comme aurait dit sa môman que je n'ai malheureusement pas connue mais dont j'ai pas mal entendu parler et qui a pas mal navigué elle aussi ! Y compris sur ma grande sœur, « la snob de Hyères les Palmiers » dont je parlais dans l'épisode précédent.

En doublant North Head, la sortie de Port Jackson, on croise une belle goélette qui a fière allure, toutes voiles dehors. C'est vrai qu'autant il y a des centaines de voiliers qui croisent en tous sens dans Port Jackson tous les jours que dieu fait, autant on n'en croise que rarement au large. Enfin, on va en revoir un sacré paquet à Port Macquaries, où on est censés arriver demain après-midi.

Traversée sans encombre en fait, juste le vent de Sud Est qu'il fallait, assez fort même et justement du coup, devant l'entrée de port Macquaries c'est le chaudron ! Ça déferle vilain jusqu'à l'intérieur des jetées... et c'est pas large, mais alors pas large du tout !!! Vu la mienne de largeur, je vais même dire, étroit … Mon capitaine a déjà ferlé les voiles et met carrément en panne un quart de mille avant le chaudron. Je vois bien qu'il hésite... et franchement y'a de quoi, je vous assure ! Il va d'une carte à l'autre... celle qu'il a dans son ordi, celle qui est sur mon traceur, plus le crobar que lui a fait un de ses copains australiens quand il est venu boire un coup à bord, il y a quelques jours. Il regarde tout ça travers ses jumelles, l’alignement d’entrée, les déferlantes jusqu’au beau milieu de la passe, les mascarets tout autour de nous …. Ça fait déjà dix minutes qu’on est en panne là devant et il a toujours pas ouvert le bec…. Donc, j’attends…. C’est pas moi que ça dérangera si on fait demi-tour … Au large on est bien plus tranquille !

D’ailleurs c’est bien ce qu’on a fait devant Lake Entrance, il y a quelques temps. C’est vrai qu’on avait plus de sondeur à l’époque ! Par contre, Cap’tain Philip avait eu le maître du port à la VHF qui nous avait conseillé d’attendre le lendemain matin pour rentrer…. Et on était donc resté à danser là devant toute la nuit. Et puis au petit matin, même si mon capitaine avait mis le moteur deux trois fois dans la nuit pour nous éloigner de la côte, on avait pas mal dérivé vers l’est et, même à la jumelle, on voyait plus grand-chose de l’entrée de la rivière. Le patron avait préparé son café comme il fait toujours avant de décider quoi que ce soit quand il se lève le matin. Il l’a bu tranquillement dehors, sur le banc du cockpit en regardant la mer. Le vent était tombé, mais pas complètement.  Et, cette fois-là, en reposant sa tasse dans l’évier, y m’a vraiment scié, le vieux : « ça fait chier, on se tire ! » textuel … Bon, en fait j’étais bien content, j’avais vraiment eu la trouille la veille au soir et le matin j’avais même pas envie d’aller voir !

J’attends, donc…. Ah, il pose ses jumelles carrément dans la boite. Là, il s’est décidé, c’est sûr ! C’est plus qu’une question de secondes…. « ben dis donc, heureusement qu’on a le sondeur ! »

Boum, c’est parti ! Il démarre mon autre moteur…. Ça c’est pas pour aller plus vite, c’est pour pouvoir faire demi-tour sur place si on change d’avis en cours de route …. Il a les yeux braqué sur le sondeur Cap’tain Philip et tu penses bien que moi aussi ! Mais y’a pas que ça à surveiller et ça, je l’sais aussi…. Ca y est on est en plein dedans… Je serre à droite côté jetée comme indiqué sur le crobar, on surfe sur deux ou trois lames de suite…. Ouf, le sondeur passe de 3 à 5 m … on est passé !!!

Grosse détente…. On avance dans la rivière en regardant le paysage en bons touristes qu’on est… et alors là vraiment c’est Saint Trop ! Sans charre ! Je sais pas si ça va vraiment nous plaire….