Ben voilà ! On est passé !!! Pile entre les deux en serrant celle de droite pour garder le plus longtemps possible des vents de sud-sud-est qui nous arrangent bien. De toute façon, à vrai dire, on n’avait pas trop le choix… c’était ça ou filer à toute voile plein ouest pour contourner la seconde dépression tropicale et se retrouver de nouveau devant la Nouvelle Calédonie !!!

Maintenant qu’on est passé, on se fait « tirer » comme on dit dans not’jargon….  Dans l’après-midi du 18/12, je me suis enfin retrouvé au portant. Ca faisait presque deux jours que le Cap’tain Philip me faisait caracoler travers au vent dans cette grosse brise pour attraper le flux de SSE à l’Est de la dépression et du meme coup nous glisser sous l’autre en loucedé… et ça y était ! J’étais dedans ! Plus besoin de la grand-voile désormais, au petit largue, avec juste Gegéne dessus, je serai bien plus à l’aise et je cognerai trois fois moins ! Y’a d’ailleurs des tas d’autres avantages à cela, mais, rappelez-vous, la couturière m’a dit que j’étais « trop technique », donc glissons….

La grand-voile affalée, voilà la bôme qui descend de 20cm de trop…. C’est l’axe du vit-de-mulet qui s’est fait la malle ! Allons bon ! Puisqu’on n’aura plus besoin de la grand-voile avant plusieurs jours, c’est vrai qu’ y’a pas urgence ; quand même je me demande comment le vieux va s’y prendre pour renquiller la bôme tout seul… me refaire un axe moins merdique, ça il sait faire. Pani problème ! mais remettre les trous face à face et glisser l’axe avec juste deux mains, sa bitte et son couteau ?? Faut pas croire que ma bôme, on la soulève d’un coup d’épaule…. Surtout le vieux qui les a copieusement déglinguées, les épaules…

Enfin on verra ça à la prochaine calmasse.

Pour le moment je continue de filer mes six/sept nœuds au 060 vers les îles Gambiers qui sont encore très loin. Ah, oui, c’est ça que j’ai oublié de vous dire ! Le patron qui balançait entre le cap Horn et l’archipel des Gambiers depuis le départ, s’est enfin décidé… Cap’tain philip bien que réputé téméraire – certains allant même jusqu’à l’appeler « rase-caillou » quand il était plus jeune – croit religieusement aux « signes ». Et là, cette dépression tropicale qui a déboulé du nord-ouest à une vitesse quasiment « anormale » pour nous barrer la route du Horn… c’était un signe… Je suis sûr que c’est déjà ça qu’il avait en tête l’autre jour quand il m'a dit, l’air de rien, « faut qu’je réfléchisse encore… » et qu’il est parti s’allonger en me laissant avec juste un mouchoir devant. C’est cette nuit-là, pendant qu’il roupillait, que je vous ai pondu l’épisode 36. Du coup je savais pas encore. Maintenant je sais que c’est nuit-là qu’il s’est décidé pour les Gambiers, mais il l’a gardé pour lui jusqu’au matin et mon papier était déjà sous presse…

Au beau milieu de la nuit du lendemain, le patron me trouve soudain « du mou dans la ralingue du génois ». Il s’habille donc pour aller étarquer un brin au pied du mât et, une fois là-bas, le vl’a qui change de couleur !!! La drisse répondait plus…. elle avait pété dans le mât… Là, pour le coup j’étais mal !!! Plus de grand-voile, plus de génois…. Bien sûr c’était possible de l’affaler et de le rehisser avec la drisse de spi, mais est-ce qu’on pourrait encore se servir de l’enrouleur avec un point de tire plus haut ? En plus, hisser le Gégène en solo, c’est strictement impossible ! Il faut un gars au winch et forcément un autre qui guide la ralingue dans la gorge de l’enrouleur au fur et à mesure…

Restait à affaler ce foutu génois et à le ferler à l’ancienne le long des filières ! Vu que le dégréer complètement pour le fourrer en vrac dans un sac, en pleine nuit et avec trois mètres de creux, et une vague qui balaye le pont toutes les trente secondes… c’était mission impossible !

Le patron a donc démarré les moteurs en vue de me maintenir au largue pendant qu’il travaillerait et il s’y est mis… Une heure plus tard il est revenu dans le carré, ruisselant, s’est déshabillé, séché, et s’est fait un thé. Il a éteint un des moteurs, laissé l’autre au ralenti et il s’est couché. Tout bonnement…

De solution il n’y en a qu’une… Cap’tain Philip le sait aussi bien que moi, mais à quoi bon mettre ça sur le tapis à cette heure-là ? Y’avait plus qu’à souhaiter qu’il soit d’attaque le lendemain matin, qu’il se fasse un copieux petit déj. …. Et qu’il s’y mette….

La solution c’est le foc 2 qui a sa propre drisse - en spectra en plus, celle-là ; du coup elle risque pas de péter - surtout maintenant qu’on a une ferrure sur le bout-dehors où on pourra l’amurer sous l’enrouleur du génois. Le gros hic, c’est que ce foc 2 est à guindant libre et que du coup, même à trois ils avaient eu un mal de chien à l’établir, les quelques fois qu’on l’a utilisé dans l’océan indien. Alors tout seul et avec 25 nœuds de vent ???

foc 2

Plus qu’à prier pour que le vent ait un peu molli demain matin…