60ème Épisode, les amis !!! Vous vous attendez à du lourd, j’imagine ? Vous allez être servis, pas de soucis !!! D’autant que certains lecteurs s’interrogent… «les marins parleraient-ils à bord d’autre chose que de mer, de navigation, de pêche et de putes ? De l’au-delà par exemple ?» L’au-delà des mers, s’entend. «Les navires eux-mêmes s’intéresseraient-ils à ces questions et communiqueraient-ils entre eux avec ou sans le truchement de leurs capitaines respectifs ? Auraient-ils une âme ?» La question n’est pas plus saugrenue que quand on se la posait à propos des nègres et des indiens à Valladolid, il n’y a que quelques siècles !
Sans vouloir me mettre en avant, je prends mon exemple pour la simple raison que vous me connaissez tous. Qui d’entre vous pourrait soutenir valablement au bout de soixante épisodes de bons et loyaux feuilletons, que je ne suis pas doué de raison ? Aucun, bien sûr. Je ne vous ferai pas cette offense.
Alors pourquoi pas une âme ! C’est justement l’argument qu’ont développé les avocats réformistes en rangs serrés derrière Bartolomé de Las Casas, lors de cette fameuse controverse à Valladolid, figurez-vous ! Sans succès dans un premier temps, mais uniquement parce qu’ils plaidaient contre des intégristes papistes omnipotents qui durent cependant reconnaître, toujours sous la pression du même Bartolomé de Las Casas qui tenait tête à ses puissants contradicteurs aussi respectueusement que nécessaire pour rester en vie, que «convertir ces populations par la contrainte et la force n’était pas chrétien». N’empêche que l’argument a fait date. Descartes avait déjà lié la raison à l’existence avant que la controverse ne migre vers l’Allemagne où une palanquée de philosophes remanièrent successivement le concept jusqu’à ce qu’il soit admis que l’existence précédait l’essence à cause de l’âme justement qui n’est pas nécessairement dans l’une mais forcément dans l’autre et que par ailleurs «la vie» et «l’existence» sont deux concepts distincts qui ne sauraient être confondus, ni même rapprochés.» Bref, un charabia fort peu intelligible finalement, qui montre principalement que la question les embarrassait fortement et qu’ils n’avaient pas grand-chose à rajouter à ce qu’en avait dit en leur temps les mystérieux mais perspicaces compères Platon/Socrate qui envisageaient « l’âme » comme une entité tripartite destinée à rendre fonctionnel et au-delà « pensant » l’humain. Fonctionnel en tant qu’entité physico-chimique réactive à son environnement et organisée pour y survivre malgré sa perpétuelle évolution (comme tout animal ou végétal) , «Pensant » en ce que tout ce bastringue mis en place par chaque espèce pour assurer sa survie individuellement et par les moyens appropriés à chacune et donc forcément divers dans des conditions communes et plus ou moins contraire, pose question à la seule espèce conçue pour se la poser… Les «Pensants» donc, puisque c’est bel et bien la question primordiale et première que le «pensant» s’est forcément posé au départ : «comment tout ce bastringue a-t-il bien pu se mettre en place à notre insu ?».
Bon, ceci dit, l’humain n’a pas la faculté de «penser» parce qu’il a un cerveau plus volumineux ou plus « puissant » (comme on dit aujourd’hui des ordinateurs) que ses concurrents directs et combien moins nocifs. Non, l’humain a un cerveau plus élaboré parce qu’il est programmé pour «penser». Je ne fais ici référence qu’à l’exemple récurrent de Martin Heidegger : « c’est parce que nous avons le pouvoir de voir que nous avons des yeux physiques, et non l’inverse ! »
Bon , cela dit, moi qui nage couramment avec diverses espèces de dauphins et autres cétacés vigilants et les écoute converser avec intérêt, je me pose sérieusement la question ! A les voir s’amuser ensemble du matin au soir avec autant d’entrain et prendre la vie en si bonne part tout en continuant à échanger comme des pipelettes sans la moindre dispute, on est en droit de se demander si l’humain est si malin que ça ? La question étant plutôt de savoir si il a une case en trop ou plutôt une case en moins que ces paisibles amuseurs ?
En tout cas moi qui ne suis pas partie prenante, j’ai parfaitement le droit de me poser la question de façon objective !
Bon, figurez-vous que cette histoire d’âme tripartite (rationnel/sensoriel/colérique) serpentait déjà chez les grecs depuis plus d’un siècle ! C’est Pythagore, qui, non content de se mêler de géométrie plane de façon fort clairvoyante, avait balancé ça dans l’air entre deux théorèmes !
A noter que parmi ces philosophes grecs beaucoup plus sages et surtout moins verbeux que leur futurs collègues allemands, le seul qui ait, à proprement parler, consacré un ouvrage entier à l’affaire, c’est bel et bien Aristote ! Avec son « de anima » que je ne me risquerais pas à traduire par « de l’âme » mais pas de soucis, d’autres l’ont fait sans s’alarmer outre mesure qu’Aristote avait évidemment conçu tout cela dans sa langue maternelle et certainement pas en latin tardif.
Mais peu importe ! Ce « de anima » fait autorité , surtout depuis que le Martin Heidegger cité plus haut, aristotélicien sans partage à l’origine, a repris l’histoire à sa sauce avec la méticulosité qu’on connait aux germains. Alors verbeux, notre ami Martin l’est à l’égal de tous ses compatriotes, mais il est d’une telle perspicacité qu’on en reste scotché… D’autant qu’il arrive un petit siècle après ses célèbres collègues de l’école allemande, avec du coup un certain recul et le loisir de faire un tri sérieusement nécessaire. Plusieurs décades après Nietzche, même, qui avait déjà allègrement secoué le cocotier !!! Mais à y regarder de près, concernant le sujet qui nous occupe, il s’intéresse finalement assez peu aux élucubrations de ses compatriotes, préfère en revenir en droite ligne à Aristote et détricoter son « de anima » avant de le reconstruire et de le développer avec une perspicacité confondante.
Après, remettons les choses en place, en perspective, si vous préférez. « Moi, vous me connaissez ? », comme dit San Antonio, on me berlure pas comme le premier micheton venu ! L’âme des navires, grands et petits, allégoriques, hauturiers ou homériques, n’a pratiquement rien à voir avec tout ça (j’ai bien dit «pratiquement»… notez-le, car on y reviendra !).
Toutes ces considérations sur l’âme en tant que moteur du bon fonctionnement du corps, puis de l’esprit, et finalement de la volonté d’organiser la pensée au-delà du simple instinct de survie, de fil directeur sans lequel l’existence physique ne serait que végétative, l’éternelle controverse entre « séparable » du corps ou non ? Tout cela n’est somme toute qu’un long catalogue de processus analytiques qui s’entre chevauchent et s’interpénètrent un peu comme les systèmes d’exploitation de nos ordinateurs. C’est fort intéressant et sans doute même passionnant pour ceux qui sont partie prenante et de plus capables de s’élever suffisamment au dessus de la surface liquide qui constitue les 3/5 de notre mère à tous. Mais ce n’est pas mon cas, on l’a déjà vu. Je suis pour ma part condamné à parcourir les mers, cette surface convexe, tantôt clémente, tantôt furieuse où nous seuls osons nous aventurer avec nos capitaines respectifs et dont il faut force grues, treuils et palans pour nous extraire de seulement quelques mètres.
Est-ce pour autant que nous aurions ou pas une âme, nous ? Et que, dans un cas comme dans l’autre, nous ne serions pas fondés à nous retro-questionner sur la fameuse controverse ? Certes nous n’avons rien à organiser, nous. Notre fonctionnalité est pré-déterminée et nous n’avons pas besoin d’une volonté propre pour coordonner nos mouvements vers une destination que nous n’avons même pas à décider. Nous avons tous un capitaine qui se charge de tout ça…. Certains sont vaillants et nous mènent à bon port, d’autres calamiteux ou simplement alcooliques et c’est la cata permanente !
Donc, nous autres les coursiers des mers, si nous avons une âme, qui nous serait remise en main propre le jour où nous glissons dans l’eau à la sortie du chantier, elle serait purement spirituelle et non principalement fonctionnelle, comme celles précédemment décrites et savamment construites, puis déconstruites et finalement peaufinées à travers ces épatants échaudages de logique millénaires !
Cette âme, qui nous la contesterait et pourquoi ? puisque chacun de nos capitaines a conversé avec elle nuit et jour dans la brise propice comme dans la tempête contraire. Qu'en ferions-nous le jour où nos membrures cèdent, où notre quille elle-même flanche, bouffée par les tarés où autre maladie du grand âge ? L’emmenerait-on par le fond ? Au Paradis ? En enfer ou autres balivernes et billevesées ?
Non, en toute logique on la rend à qui de droit ! Et qui de droit, c’est la mer, le ciel, la brise et les tempêtes, tout ce qui a vécu avec nous et continuera à vivre après nous, nourri par ce rien que chacun de nous leur rend et qui multiplié par le nombre infini de tous nos semblables et ancêtres forme un tout dont d’un commun accord l’Olympe redistribuera parcimonieusement la vie.
Alors, je vous dis ça, là, comme ça en rigolant, mais figurez-vous que le couple de compères dont on a déjà parlé, démiurges inégalés autant que sages observateurs (Platon/Socrate, je précise pour ceux, toujours les mêmes, qui ont du mal à suivre), après toute une vie de réflexion commune ont fini par envisager la chose sous cet angle ! Je parie que ça vous épate !!!
Voilà qu’après avoir passé des années, l’un sur la République, l’autre sur le Gorgias, ils te co-cogitent un truc qu’il baptisent Phédon, dieu sait pourquoi ? Où il est question de microcosme en lien avec un macrocosme et qu’il est re-question de « l’âme » ayant cette fois pour mission de préserver l’ordre souhaitable dans le corps (ça c’est du déjà vu) mais qui, par ailleurs, doit pour cela veiller à la correspondance entre cet ordre individuel (microcosme) et celui de l’univers (macrocosme).... ça par contre c'est tout à fait nouveau et de fait fort intéressant... Ne pourrait-on pas même y voir le fondement de l'écologie politique ?
Tout cela donc, je veux dire tous ces érudits et savants détours à travers l’histoire, pour en arriver donc à la perception instinctive des amérindiens des grandes plaines du nord de l’Amérique, perception simple et saine de la nature dans laquelle ils évoluaient librement sous l’œil bienveillant de leur « grand esprit » qui donne âme, nom, et souffle de vie à chaque créature, du brin d’herbe au bison et à l’humain, jusque qu’à la pierre pourvu qu’elle soit façonnée. Toute créature (microcosme) qui rendra intacte cette force vitale au grand esprit (macrocosme) avant d’expirer et redevenir matière d’où ressortira un jour une parcelle de vie douée de cette force vitale qu’il faudra rendre le jour dit pour que le système des deux compères continue de fonctionner sans heurts…
Voilà !!! C´est donc là tout ce que je voulais dire : Nous les coursiers des mers, nous sommes dans la boucle, comme les nègres, les indiens et leurs bisons aujourd’hui décimés jusqu’au dernier, n’en déplaise aux hordes d’intégristes de la violence qui ont procédés impunément à ces massacres et prétendent aujourd’hui régner sur la planète avec leur accent à la con… mais pas l’univers heureusement qui lui va son chemin sans hâte, selon le tracé des deux compères ….
Alors des plaideurs me donneront certainement la réplique. Je n’ai rien contre, bien au contraire. Le patron, lui-même, ergote quelquefois sur un point ou sur un autre, mais s’en remet le plus souvent à mon avis. Tout simplement parce que j’ai, moi, le temps de réfléchir un peu pendant qu’il se balade à droite, à gauche et refait le monde avec l’un ou l’autre à grandes rasades de pinard ! Ne croyez pas qu’il s’agisse là de petites fiertés d’auteurs mal placées. Du tout du tout, j’ai le temps, c’est tout et pas de problèmes parasites de tous ordres comme vous autres… Je converse volontiers avec mes voisins de mouillage, tant qu’il ne s’agit pas d’intégristes athées (les pires) qui vous balancent dans les étraves que le big-bang est à l’origine de l’univers et s’imaginent avoir de la sorte définitivement défoncé l’ensemble de votre argumentaire ! Avouez que c’est un peu léger ! Où plutôt c’est balancer du lourd dans une dispute qui n’a rien à voir ! Nos deux compères seraient morts de rire devant une naïveté aussi crasse !!! Déjà qu’ils se souciaient fort peu que la terre fût plate ou ronde ! En quoi cela interférait-il avec l’organisation de leur cité idéale ? Alors le « big-bang », vous parlez ! Ils auraient répondu à l’unisson aux tenants de cet argument supposé ultime : « Un Big-bang ? Plusieurs d’affilé ? Oui, pourquoi pas ? Ça change quoi ? »
Qui la conteste cette histoire de Big-Bang ? Amas concentré de gaz et de matière aussi dense qu’inerte qui a soudain explosé produisant un phénomène d’expansion à long terme, si j’ai bien compris. Peu importe d’ailleurs (que j’ai bien compris ou pas, veux-je dire), laissons ça aux astronomes. Il se trouve que je n’en ai pas d’astronome dans mes plus proches voisins au mouillage de Rangiroa , mais de philosophe si, justement ! Qui me disait pas plus tard qu’hier «et d’où il sortait ce fameux amas de peu importe quoi, hein ? D’un précédent big-bang, peut-être ?». Et là, remarquez qu’il n’a pas tort, c’est le coup de la souris blanche qui tourne dans sa roue à toute allure sans bouger d’un poil ! Que dire de la volonté manifeste de ces micro-particules nées d'un chaudron géant - pour je pas dire magique au risque de plagier la célèbre BD - à s'assembler miraculeusement en entités complexes capables de s'auto-analyser ? Qu'elle pré-existait cette volonté ? Mais dans l'intuition de qui alors ? Qu'elle est au contraire le fruit d'une avalanche de hasards successifs? Franchement comment volonté et hasard qui deux concepts strictement antinomiques pourraient découler l'un de l'autre ???
Qu’est-ce que cette histoire de big-bang a à voir avec la question de l’essence et de l’origine première ? Combien faut-il être naïf, pour ne pas dire simplet, pour se laisser berner par cette histoire de Big-Bang qui expliquerait tout ! Aussi bien que le coup de marteau d’un juge à perruque !!!
Naïf, simplet, ou, comme je le disais à peine, faire partie de la chapelle têtue des intégristes athées, comme il y a eu jadis la clique des profiteurs papistes…
Bon, temps de revenir à nos moutons, non ?
Alors vous pensez bien que je ne vous ai pas balancé les fruits de ma réflexion du jour sans une idée derrière la tête ! J’avais justement l’intention, et je l’ai toujours, de vous parler d’une âme ! L’âme des ancêtres. Pas un ancêtre au sens malgache du terme. Je veux dire un aïeul mort et enterré sans les égards de rigueur et qui du coup, fort mécontent, revient de temps à autre tourmenter les vivants sous son habit de tromba. Cet ancêtre là, Punua, est bien vivant, lui. Il vit seul sur son motu au-delà de la passe d’Avaturu où seuls les collecteurs de copra s’aventurent parfois en plate. Son âge est indéfinissable, caché sous une pilosité laissée à l’état sauvage depuis plusieurs décades. Il est plutôt petit pour un polynésien, mais sa stature n’a rien à envier à la moyenne locale…. 120 à 130 kilos.
Punua, n’est pas le simple Robinson qu’il parait ! C’est aussi un marin hors norme… Il est allé et revenu en pirogue polynésienne des Tuamotus jusqu’en Chine ! Il y a déjà dix ans qu’il en est revenu.
Punua était capitaine, mais il n’était pas seul. Quatre autres polynésiens ont rejoint avec lui les côtes de la Chine après 107 jours de mer sur une pirogue à voiles, entre juillet et novembre 2010. Punua le capitaine tahitien, Hervé le chevrier des Marquises, Fai des îles Tonga, Sam le petit-fils de la reine de Rarotonga, et Hiria Ottino, né à Tahiti, qui tiendra le journal de bord de cette incroyable traversée. Laissez-moi vous parler de la pirogue elle-même, mesurant 15,25 m de long pour 14,50 m d'un bord de la coque à l'extérieur du balancier avec une voile latine de 76 m² sur l’avant.
Au cours de ces 107 jours de mer à travers les îles Cook, les Fidji, Nouvelles Hébrides, Salomon, nouvelle Irlande, Philippines, poursuivant le chemin de leurs ancêtres venus peupler les îles polynésiennes, les cinq marins n’ont pas manqué de moments forts… Du gros coup de vent, au gros coup de doute…
Extrait du journal de bord tenu par Hiria Ottino. «Une vague plus forte que les autres fait éclater le point de jonction entre le roof et le pont. L’eau s’infiltre dans la couchette arrière. Il est 02h00 du matin. La pirogue tangue. Punua à la barre appelle Tauhiti. Il a besoin d’aide. Au moment où Tauhiti émerge de la cabine, une rafale projette la bôme d’un bord sur l’autre, emmenant Hervé au passage et éjectant Tauhiti hors de la pirogue. Son pareu est emporté, il ne doit son salut qu’à la force de ses bras et à la résistance de ses mains sur la drisse de la grand-voile».
Punua et ses coéquipiers ont pourtant porté l’aventure jusqu’au bout. Même s’ils ont échoué à arriver à Shanghai avant la clôture de l'exposition universelle de cette année 2010 où ils étaient attendus. Ils ont accosté à la diable à l’extrême sud de la Chine à Shanwei, dans la province de Canton où ils n’étaient par contre pas du tout attendu … d’où l’aviso déboulant à trente nœuds, mitrailleuses en batterie, deux coups de semonce quelques mètres devant la proue et quelques jours d’explications serrées dans un bâtiment approprié. L’espionnite chinoise provisoirement tempérée, il fallut encore une dizaine de jours aux cinq intrépides pour rejoindre Shanghai.
Le retour fut plus ardu, faute aux vents alizés qui heureusement deviennent moins réguliers à partir de décembre, par contre tout le monde les connaissait… même les javanais !!! Ils rappelaient à tous les Polynésiens leur origine de conquérants de l’océan Pacifique, le plus vaste du monde et étaient reçus en conséquence…
Sous ses allures d’ancêtre, Punua est un héritier. Digne héritier de ces peuples de la mer qui ont traversé le pacifique sur de frêles esquifs. Il perpétue leur tradition, a construit lui-même la pirogue qui l’a emmené puis ramené de Chine. En construit une nouvelle, plus longue, plus performante, même si sur l’atoll tous savent bien qu’il est trop vieux maintenant pour retenter l’aventure. Mais lui n’en a cure ! Il lui suffit de croire qu’il a encore la force de construire sa dernière pirogue… et de partir vers l’ouest guidé par les mêmes étoiles qui ont amené ses ancêtres jusqu’à Rangiroa. Il atterrira comme eux à la fortune du pot sur une île dont le roi sera fort curieux de sa provenance et prendra grand soin de son dernier séjour. Le but de Punua cette fois n’est pas de revenir… mais de repartir… Une dernière fois…
En attendant, les réserves de poisson et de coco sont inépuisables alentour. On ne sait plus si il a une femme depuis le temps que sa barbe pousse, mais il a une fille et une sœur qui n’ont pas les deux pieds dans le même sabot. L’une gère quelques bungalows sur le lagon vert à l’abri du motu voisin. L’autre pilote un bateau rapide qui promène les popas (touristes ou résidents français) jusqu’au dit lagon vert et beaucoup plus loin sur demande. De la sorte Punua n’a aucun souci à se faire pour le sel et l’huile ! Pas de soucis non plus quand il a soudain envie de tailler une bavette. Il prend sa pirogue et débarque au lagon vert, où il y a toujours quelques couples de touristes curieux de pareil phénomène.
Punua un indépendantiste fervent. Non parce qu’il pense que la Polynésie s’en tirerait mieux en solo. Non, tout au contraire, parce que le peuple polynésien qui est en train de mourir du diabète et du gavage tous azimuts, a un besoin urgent de se serrer la ceinture ! Quatre-vingt-dix pour cent d’obèses qui continuent à s’empiffrer sans faiblir, adolescents compris… Et il n’a pas tort Punua, c’est un triste spectacle, presqu’aussi lamentable que celui des réserves indiennes ravagées par l’eau de feu introduite par les assassins au visage pâle. Seule l’indépendance, et l’obligation subséquente de se remettre au boulot, pêche, copra, perliculture et aquaculture pourrait enrayer la funeste glissade vers le néant béat…. En tous cas c’est l’avis de Punua.
Fin de l’épisode